Neurophysiologie clinique 32 (2002) 254–257 www.elsevier.com/locate/neucli Article original Crises giratoires répétitives révélatrices d’une hyperglycémie non cétosique Acute repetitive giratory seizures as manifestation of hyperglycaemia without ketoacidosis T. Taieb-Dogui a,*, M.S. Harzallah a, K. Khlifa b, M. Dogui b, S. Ben Ammou a, P. Jallon c a Service de Neurologie CHU Sahloul, 4051 Sousse, Tunisie Service de Neurophysiologie Clinique CHU Sahloul, 4051 Sousse, Tunisie c Unité d’épileptologie clinique, Hôpital Cantonal de Genève, 1211 Genève 14, Suisse b Résumé Nous rapportons le cas d’une patiente, sans antécédents particuliers, qui présente brutalement des crises giratoires répétitives. L’EEG montrait un foyer d’ondes lentes paroxystiques centro-pariétales droites. Le bilan biologique a mis en évidence une hyperglycémie sans cétose. Les crises ont disparu en 48 heures sous insulinothérapie. La survenue d’une hémiplégie gauche un mois plus tard, secondaire à une ischémie sylvienne, pose le problème d’une ischémie focale transitoire pouvant expliquer les crises. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract This 71 years old women without any history of epilepsy had diabetes mellitus . She was admitted for repetitive giratory seizures in relation with non-ketotic hyperglycaemia. The EEG showed right centro-parietal paroxysmal slow activity. Symptomatology diseappeared within 48 hours after insulin therapy. One month later, she presented with a left hemiplegia in relation with a right sylvian infraction. The role of focal transitory ischaemia in connection with hyperglycaemia is discussed. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés: Épilepsie; Crises giratoires; EEG; Hyperglycémie Keywords: Epilepsy; Giratory seizures; EEG; Hyperglycemia 1. Introduction Depuis le travail princeps de Maccario [9], penser à un diabète devant des crises focales motrices est devenu un réflexe qui évite la multiplication d’examens complémentaires. Dix neuf cas ont ainsi été observés en deux ans dans le service de neurologie de l’hôpital de Sousse (Tunisie). * Auteur correspondant. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. PII: S 0 9 8 7 - 7 0 5 3 ( 0 2 ) 0 0 3 1 0 - 6 Ces crises sont le plus souvent révélatrices d’une hyperglycémie non cétosique. Si les crises partielles motrices sont classiques dans ce tableau, d’autres formes d’expression de la maladie ont été rapportées [2] : crises visuelles [7], arrêt du langage [5,6] crises kinésigéniques [1,4,8,10] et d’autres expressions critiques encore plus trompeuses [14]. Nous rapportons l’observation d’une patiente ayant présenté des crises giratoires répétitives révélatrices d’un diabète de type II et qui a présenté plusieurs semaines après T. Taieb-Dogui et al. / Neurophysiologie clinique 32 (2002) 254–257 une hémiplégie gauche en rapport avec une thrombose sylvienne. 2. Observation Une patiente âgée de 71 ans, sans ATCDS pathologiques, présente brutalement dix jours avant son hospitalisation à raison de 3 à 4 fois par jour, des crises stéréotypées décrites comme suit : début de la crise par une sensation de malaise puis déviation forcée de la tête et des yeux vers la gauche, mouvement de déviation-rotation du tronc. La patiente, par la suite, tourne à trois reprises de la gauche vers la droite autour de son axe vertical. Le mouvement est lent, se fait à petits pas, les bras restent le long du corps simulant un mouvement « pseudo-volontaire » d’orientation. Pendant toute la crise giratoire, la malade perd contact avec la réalité et le regard suit le mouvement giratoire. Il n’y a pas de secousses palpébrales ni de nystagmus. La crise dure 1 à 2 minutes. Il n’y a jamais de généralisation secondaire. A l’admission, les crises sont très fréquentes (3 à 4 crises/heure). Plusieurs crises enregistrées à l’EEG montrent un foyer paroxystique de pointes-ondes et d’ondes lentes rythmiques centro-pariétales droites (Fig. 1 et 2). L’examen neurologique est normal. Le bilan biologique montre une hyperglycémie à 40,3 mmol/l sans cétose et une osmolarité de 313,3 mmol/j. La glycosurie est à 3 croix et on ne retrouve pas de corps cétoniques urinaires. Le reste des explorations biologiques est normal en particulier le bilan hépatique, rénal et inflammatoire. Une tomodensitométrie sans puis avec injection de produit de contraste est normale. La patiente est traitée par insuline sans autre médication antiépileptique associée. Dès le lendemain (J2), alors que la glycémie de contrôle est à 24,3 mmol/l, les crises deviennent moins fréquentes. Fig. 1. Enregistrement de la crise giratoire. 255 L’EEG montre toujours un foyer centro pariétal droit. A J3 alors que la glycémie est à 14,6 mmol/l, les crises ont cédé. La patiente est mise à J7 sous antidiabétiques oraux et les contrôles biologiques montrent une glycémie comprise entre 9 et 12,7 mmol/l. Deux semaines après son hospitalisation, en l’absence de toute récidive critique, la patiente présente brutalement une hémiplégie gauche massive ; le bilan biologique pratiqué en urgence est normal et la tomodensitométrie montre une ischémie dans le territoire sylvien droit. L’echo doppler des vaisseaux du cou et l’échographie cardiaque sont normaux. La patiente est traitée par anti-agrégants plaquettaires associés aux anti-diabétiques oraux pendant 41 jours et son status neurologique reste stationnaire. Les crises n’ont pas récidivé et les contrôles glycémiques à la sortie sont satisfaisants. Aucune récidive n’est signalée après un recul supérieur à 1 an. 3. Discussion Notre observation correspond cliniquement aux crises partielles motrices associées à l’hyperglycémie sans cétose. La normalisation de la glycémie, en dehors de toute médication antiépileptique, a permis la cessation en 48 heures des crises. Ce délai est plus court que dans les différents cas rapportés [8,14]. La survenue d’un accident sylvien droit, vingt cinq jours après l’installation des crises, soulève la question d’une crise précursive. Ce concept de crises « annonciatrices » d’un accident vasculaire cérébral, très à la mode au cours des années 60 [3], est actuellement discuté depuis la mise en évidence d’infarctus cérébraux anciens passés inaperçus car 256 T. Taieb-Dogui et al. / Neurophysiologie clinique 32 (2002) 254–257 Fig. 2. Foyer d’anomalies lentes fronto-temporales droites. ne s’étant pas accompagné de déficit clinique [11,13]. Les crises gyratoires par désorganisation pariétale droite peuvent, elles, avoir valeur d’AIT de type « dernier pré ». L’étiopathogénie des crises en rapport avec une hyperglycémie non cétosique n’est pas claire et plusieurs hypothèses ont été avancées : • L’acidose métabolique augmenterait l’activité de l’enzyme de synthèse du GABA et diminuerait celle de la GABA-transaminase ce qui entraînerait une augmentation de la biodisponibilité du GABA [4,7]. En l’absence d’acidose, il y aurait une activation du GABA en succinyl coenzyme A et donc une diminution de sa biodisponibilité. Si ce phénomène expliquerait la dimi- nution du seuil épileptogène, il n’explique pas le caractère focal des crises. • Venna [15] et Brick [4] ont avancé l’hypothèse que l’hyperglycémie induirait une ischémie focale transitoire. La survenue tardive d’une hémiplégie chez notre patiente pourrait étayer cette hypothèse. • Le rôle de l’osmolarité a été démontré en expérimentation animale : elle induirait des crises quand existent des lésions focales corticales [12]. Cette relation n’est pas claire : d’une part l’osmolarité des patients est souvent normale voire modérément augmentée, d’autre part, tous les patients ne présentent pas de lésion visible en TDM. T. Taieb-Dogui et al. / Neurophysiologie clinique 32 (2002) 254–257 Le traitement associe une insulinothérapie et une réhydratation. L’utilisation d’antiépileptique peut être inopérante bien que dans 2 cas, Hennis [8] a dû les utiliser devant la récurrence des crises. Les crises partielles motrices–l’expression giratoire n’ayant jamais encore été rapportée–sont un mode de révélation du diabète non cétosique qu’on ne doit plus ignorer. Elles concernent le plus souvent un sujet âgé dont le diabète n’est pas connu. La glycémie dépasse souvent 30 mmol/l sans corps cétoniques dans les urines. Leur étiopathogénie demeure mal connue et pourrait être en relation avec une diminution du seuil épileptogène en rapport avec une diminution de la biodisponibilité du GABA mais aussi, comme semble le montrer notre observation, en rapport avec une ischémie focale transitoire. La prise en charge de ces patients est simple : insulinothérapie et réhydratation [2] font disparaître rapidement les crises qui n’ont pas tendance à récidiver si la glycémie est dans les normes. Références [1] [2] [3] Aquino A, Gabor AJ. Movement-induced seizures in nonketotic hyperglycemia. Neurology 1980;30:600–4. Assal F, Coeytaux A, Jallon P. L’état de mal résistant aux antiépileptiques. Neurphysiol. Clin. 2000;30:129–88. Barolin GS, Scherzer E, Schnabert G. Epileptische Manifestation als verboten Schlanganfällen « Vasculare Präkursive-Epilepsie ». Forsch Neurol Pschiat 1971;39:199–216. 257 [4] Brick JF, Gutrecht JA, Ringel RA. 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