© MASSON Rev Neurol (Paris) 2005 ; 161 : 4, 465-467 465 Brève communication Cécité corticale associée à un syndrome de Guillain-Barré. Une complication de la dysautonomie ? S. Delalande1, J. de Sèze1, J.-P. Hurtevent2, T. Stojkovic1, J.-F. Hurtevent2, P. Vermersch1 1 Service de Neurologie D, Neurophysiologie Clinique, Hôpital Roger-Salengro, CHRU, Lille. Reçu le : 29/06/2004 ; Reçu en révision le : 29/09/2004 ; Accepté le : 03/11/2004. 2 RÉSUMÉ Introduction. Nous rapportons un cas de syndrome de Guillain-Barré (SGB) associé à une hémorragie méningée et à des lésions régressives de la substance blanche. Observation. Une patiente de 62 ans présentait des paresthésies ascendantes des quatre membres, puis une tétraparésie 48 heures après une gastroentérite. L’examen neurologique révéla une abolition des réflexes ostéotendineux, une hypopallesthésie des quatre membres et une tétraparésie. L’électromyogramme était en faveur d’une polyradiculonévrite. Le soir de son admission, la patiente présenta une cécité d’apparition brutale contemporaine d’une hypertension artérielle à 24/12. Les imageries cérébrales révélaient la présence de lésions de la substance blanche à prédominance postérieure et une hémorragie méningée. La ponction lombaire montrait une hyperprotéinorachie à 1,54 g par litre et de nombreuses hématies sans méningite. L’artériographie cérébrale était normale. L’évolution fut favorable sous traitement par immunoglobulines polyvalentes. Le bilan étiologique resta négatif. Conclusion. L’aspect et la régression des lésions de la substance blanche font évoquer une leucoencéphalopathie postérieure réversible comme celle observée lors d’une hypertension artérielle, suggérant la responsabilité de l’atteinte dysautonomique du SGB. Les lésions du système nerveux central au cours du SGB sont rares et probablement secondaires à une atteinte du système nerveux autonome. Mots-clés : Syndrome de Guillain-Barré • Polyradiculonévrite • Dysautonomie • Hémorragie méningée • Leucoencéphalopathie postérieure régressive • Cécité corticale SUMMARY Cortical blindness associated with Guillain-Barré syndrome: a complication of dysautonomia? S. Delalande, J. de Sèze, J.-P. Hurtevent, T. Stojkovic, J.-F. Hurtevent, P. Vermersch, Rev Neurol (Paris) 2005; 161: 4, 465-467 Introduction. We report a case of a Guillain-Barre syndrome (GBS) with subarachnoid hemorrhage and regressive occipital white matter lesions. Observation. A 62-year-old woman developed ascendant progressive paresthesia and weakness of arms and legs, 48 hours after enteritis infection. Neurological examination showed tetraparesia with loss of deep tendon reflexes and alteration of proprioception tests. Nerve conduction studies revealed polyradiculoneuritis. Then she presented an acute blindness and hypertension. Brain magnetic resonance imaging showed bilateral occipital lesions and subarachnoid hemorrhage. Cerebrospinal fluid analysis revealed an elevated protein level (1.54g/l) and red blood cells without meningitis. Brain arteriography was normal. Intravenous immunoglobulins improved neurological symptoms. Conclusion. Posterior localisation of reversible white matter lesions evoked a reversible posterior leukoencephalopathy. The implication of arterial hypertension caused by dysautonomia during GBS could be suspected. Keywords: Guillain-Barré syndrome • Polyradiculoneuritis • Dysautonomia • Meningeal hemorrhage • Regressive posterior leucoencephalopathy • Cortical blindness Les atteintes du système nerveux central (SNC) au cours du syndrome de Guillain-Barré (SGB) sont exceptionnellement décrites dans la littérature (Nadkarni et Lisak, 1993 ; Voltz et al., 1996 ; Okumura et al., 2002 ; Lo et al., 2002). Elles paraissent plus fréquentes chez l’enfant, parfois asso- ciées à un tableau d’encéphalomyélite aiguë disséminée (ADEM), suggérant un mécanisme post-infectieux (Amit et al., 1986 ; Sinardi et al., 2000 ; Attarian et al., 2002). Nous rapportons un cas de SGB associé à une hémorragie méningée et à des lésions encéphaliques de la substance blanche. Tirés à part : S. DELALANDE, Service de Neurologie D, Hôpital R. Salengro, CHRU Lille, rue du Professeur Émile Laine, 59037 Lille Cedex. E-mail : s-delalande-dufourd@chru-lille.fr S. DELALANDE et coll. 466 Rev Neurol (Paris) 2005 ; 161 : 4, 465-467 a b Fig. 1. – IRM cérébrale, 1,5 Tesla, en séquence FLAIR, coupes axiales. (a) Lésions de la substance blanche bioccipitales et périventriculaires, apparaissant en hypersignal, sans prise de contraste associées en pondération T1 après injection de gadolinium associée à une hémorragie méningée. (b) Disparition des lésions postérieures après régularisation de la tension artérielle. Brain MRI, 1.5 Tesla, FLAIR axial sequences. (a) Bilateral periventricular and occipital white matter hypersignal associated with subarachnoidal hemorrage. (b) The posterior lesions improved after arterial pressure treatment. OBSERVATION Cas n° D03/071. — Une femme de 62 ans, gauchère, retraitée, fut hospitalisée le 27 décembre 2002 pour une tétraparésie. Dans ses antécédents, on notait une hypertension artérielle essentielle depuis 5 ans traitée par bisoprolol et Aldactazine ®, sans retentissement systémique, un diabète de type 2, une dyslipidémie traitée par fénofibrate, une surcharge pondérale et une hypothyroïdie sous opothérapie substitutive. La symptomatologie neurologique avait débuté le 25 décembre par des paresthésies des quatre membres, rapidement suivies de troubles de la marche avec impossibilité de se lever le 27 décembre. Quarante-huit heures auparavant, la patiente avait présenté des épisodes de diarrhée avec fièvre à 38 °C évoquant une gastroentérite aiguë. À l’admission aux urgences, l’examen neurologique révélait une tétraparésie prédominant aux membres inférieurs sans signe d’irritation pyramidale, une aréflexie et une hypopallesthésie des quatre membres. Il n’existait pas d’atteinte des nerfs crâniens, notamment pas de troubles de la déglutition. On ne notait pas non plus de troubles respiratoires ou dysautonomiques. Le tableau clinique était évocateur d’un syndrome de Guillain-Barré (SGB) et la patiente fut hospitalisée en neurologie. Le 27 décembre à 22 heures, la patiente présenta brutalement une baisse de l’acuité visuelle bilatérale ainsi qu’une agitation. Le reste de l’examen neurologique était inchangé. La tension artérielle était alors à 24/12, puis se normalisa spontanément. Le scanner X cérébral révéla une hémorragie sous-arachnoïdienne ainsi que des hypodensités périventriculaires et postérieures. Ces anomalies furent confirmées par l’IRM cérébrale qui montrait des lésions de la substance blanche bi-occipitales et périventriculaires, apparaissant en hypersignal sur les séquences T2 et FLAIR, sans prise de contraste, associées à une hémorragie méningée (Fig. 1a). Le fond d’œil était normal, sans œdème papillaire et l’examen ophtalmologique confirmait une cécité corticale. La ponction lombaire montrait un liquide céphalorachidien (LCR) hémorragique (9 500 globules rouges, 18 globules blancs avec formule sanguine) avec une hyperprotéinorachie à 1,54 g/l sans anomalie à l’isoélectrofocalisation. L’électromyogramme confirma le diagnostic de polyradiculonévrite avec la mise en évidence de signes de démyélinisation inhomogène avec blocs de conduction, augmentation des latences distales, ralentissement des vitesses de conduction et abolition des ondes F. Sur le plan biologique, il n’existait pas de syndrome inflammatoire ni de trouble ionique. On notait sur la numération formule sanguine du 28 décembre une neutropénie à 1 500/mm 3 et des lymphocytes hyperbasophiles. La neutropénie persista plusieurs jours, puis se normalisa par la suite. Le bilan hépatique révéla une discrète cytolyse associée à une cholestase. Les examens (sérologies sériques et du LCR, PCR dans le LCR) à la recherche d’une étiologie virale responsable du tableau clinique furent négatifs (CMV, VZV, EBV, HSV, HIV, hépatite A,B,C, entérovirus, adénovirus, paramyxovirus, adénovirus). Les sérologies de Lyme et de Chlamydiae étaient négatives ainsi que la recherche de Campylobacter jejuni. Un bilan autoimmun complet et une biopsie des glandes salivaires accessoires ne mirent pas en évidence d’anomalies évoquant une maladie de système. Les anticorps antigangliosides étaient également négatifs. La patiente fut traitée par immunoglobulines polyvalentes à la dose de 2 g/kg à partir du 29 décembre. L’évolution initiale fut marquée par une crise d’épilepsie tonicoclonique généralisée et une aggravation du déficit neurologique le 29 décembre. L’électroencéphalogramme à distance de la crise ne révélait pas d’anomalie paroxystique. La cécité corticale s’améliora en 48 heures. L’apparition de difficultés respiratoires le 30 décembre motiva son transfert en réanimation. La patiente fut intubée pendant une semaine et resta dans le service de réanimation jusqu’au 13 janvier. Il ne fut pas constaté d’autre instabilité tensionnelle ou trouble dysautonomique. L’IRM de contrôle du 15 janvier 2003 montrait une régression de l’hémorragie sous arachnoïdienne et des lésions bipostérieures (Fig. 1b). Il persistait des hypersignaux de substance blanche évoquant une leucopathie vasculaire. L’artériographie cérébrale réalisée tardivement (17 janvier) étant donné l’état de la patiente ne révéla pas d’anomalies particulières. Il n’y eu pas de contrôle du LCR. Le bilan ophtalmologique de contrôle révéla une acuité visuelle normale, mais il existait des signes de neuropathie optique bilatérale prédominant à gauche sur les potentiels évoqués visuels. L’état neurologique s’améliora très progressivement avec la récupération motrice complète au niveau des membres supérieurs et l’amélioration du déficit aux membres inférieurs, autorisant sa sortie du service et un transfert en rééducation. Au mois de janvier 2004, il persistait des troubles sensitifs profonds avec une ataxie importante, un discret déficit moteur proximal et une aréflexie. Le périmètre de marche était évalué à 20 mètres sans déambulateur et à 1 km avec déambulateur. DISCUSSION Cette observation illustre un cas de SGB associé à une hémorragie méningée sans malformation vasculaire et à S. DELALANDE et coll. © MASSON Brève communication • Cécité corticale associée à un syndrome de Guillain-Barré des lésions encéphaliques régressives de la substance blanche. L’association d’un SGB avec des manifestations neurologiques centrales est rarement décrite dans la littérature et semble souvent de mécanisme post-infectieux, comme en témoignent certaines observations de pédiatrie décrivant des cas d’encéphalomyélites aiguës disséminées (ADEM) associées à des SGB (Amit et al., 1986). Nadkarni et al. (1993) ont rapporté un cas de SGB avec des lésions de la substance blanche et une neuropathie optique bilatérale lors d’une infection par un Mycoplasma pneumoniae. Des cas de neuropathie optique ont été décrits, comme pour cette patiente, au cours de l’évolution de SGB ou de polyradiculonévrite chronique (Stojkovic et al., 2000). Sinardi et al. (2000) ont décrit un tableau de vascularite cérébrale révélé par un infarctus sylvien chez une patiente de 27 ans présentant un SGB et une infection à CMV. Des cas d’encéphalite associée à un SGB ont également été décrits suite à une infection par herpès virus, EBV ou CMV (Attarian et al., 2002). Chez cette patiente, l’hypothèse d’une vascularite post-infectieuse est possible, mais nous n’avons pu en déterminer l’agent causal. Cependant, la présence d’une hypertension artérielle lors de l’installation des troubles visuels suggère une responsabilité des troubles dysautonomiques liés au SGB. La topographie bipostérieure des lésions et leur réversibilité évoquent une leucoencéphalopathie postérieure régressive telle qu’elle peut survenir dans les complications de l’hypertension artérielle (Hinchey et al., 1996). Cette entité se révèle en effet souvent par des troubles visuels, des crises épileptiques ou des céphalées. Elle survient chez des patients hypertendus déséquilibrés, avec à-coups tensionnels, sans que les chiffres soient nécessairement très élevés. L’IRM cérébrale met en évidence des lésions œdémateuses symétriques de la substance blanche de topographie postérieure ayant la particularité de régresser totalement après éviction de la cause (de Sèze et al., 2000). Dans la série des 15 patients de Hinchey et al. (1996), 8 recevaient un traitement immunosuppresseur (cyclosporine) ou immunomodulateur, 4 avaient une hypertension artérielle déséquilibrée et 3 présentaient une éclampsie. Plusieurs auteurs ont décrit également des complications neurologiques centrales lors du SGB, qu’ils attribuaient au traitement par immunoglobulines polyvalentes (Voltz et al., 1996 ; Turner et Wills, 2000 ; Okumara et al., 2002). Des lésions occipitales d’origine vasculaire, parfois révélées par une cécité brutale comme dans ce cas (Turner et Wills, 2000), sont ainsi survenues lors de traitement par immunoglobulines polyvalentes pour un SGB ou un syndrome de Miller Fisher. Les auteurs évoquent un vasospasme (Voltz et al., 1996) ou une hyperviscosité (Turner et Wills, 2000) pour expliquer ces manifestations. L’hypothèse d’une leucoencéphalopathie postérieure secondaire aux immunoglobulines a même été formulée par certains auteurs devant la régression des images (Lewis et Maddison, 2000). Dans ces différentes observations, les patients n’avaient pas présenté d’hypertension artérielle pouvant expliquer, comme 467 dans cette observation, les lésions bi-occipitales. Cependant, cette observation ne confirme pas l’hypothèse de la toxicité des immunoglobulines, la patiente ayant reçu ce traitement qu’après la survenue des manifestations centrales. CONCLUSION L’association d’un SGB avec une hémorragie méningée est exceptionnelle. À notre connaissance, un seul cas a été décrit dans la littérature (Gande et al., 1999). Dans cette observation, la patiente présentait d’importants troubles dysautonomiques avec hypertension artérielle en rapport avec le SGB suggérant donc la responsabilité de l’hypertension artérielle. Dans notre cas, l’hypertension artérielle pourrait expliquer à la fois les atteintes parenchymateuses de type leucoencéphalopathie postérieure régressive et l’hémorragie méningée. D’autres mécanismes physiopathologiques pourraient être discutés pour expliquer cette hémorragie méningée notamment une vascularite post-infectieuse ou autoimmune, mais le bilan étiologique et radiologique incluant l’artériographie est resté négatif. RÉFÉRENCES AMIT R, SHAPIRA Y, BLANK A, AKER M. (1986). Acute, severe, central and peripheral nervous system combined demyelination. Pediatr Neurol, 2: 47-50. ATTARIAN S, TREBUCHON A, AZULAY JP, POUGET J. (2002). Encéphalite aiguë compliquant une polyradiculonévrite aiguë. Rev Neurol (Paris), 158: 470-472. DE SÈZE J, MASTAIN B, STOJKOVIC T, FERRIBY D, PRUVO JP, DESTÉE A, VERMERSCH P. (2000). Unusual MR findings of the brainstem in arterial hypertension. Am J Neuroradiol, 21: 391-394. GANDE AR, TAYLOR IR, NOLAN KM. (1999). 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