J. Neuroradiol., 2006, 33, 121-125 © Masson, Paris, 2006 Cas clinique SUIVI ICONOGRAPHIQUE D’UN ÉTAT DE MAL ÉPILEPTIQUE PROLONGÉ A. DIDELOT (1), S. KREMER (2), E. SCHMITT (2), L. MAILLARD (1), S. GIBOT (3), A. CRAVOISI (3), H. VESPIGNANI (1), S. BRACARD (2), L. PICARD (2) (1) Service de Neurologie, Hôpital Central, 29 avenue Maréchal de Lattre de Tassigny, 54035 Nancy Cedex. (2) Service de Neuroradiologie, CHRU Nancy. (3) Service de Réanimation médicale polyvalente, CHRU Nancy. RÉSUMÉ Nous rapportons l’observation d’une femme âgée de 20 ans sans antécédent significatif, qui présente dans les suites d’une méningite lymphocytaire un état de mal épileptique pharmacorésistant. Ce dernier a fait l’objet d’une surveillance en IRM régulière permettant de révéler l’apparition progressive de lésions d’abord à nette prédominance corticale, bilatérales et symétriques puis sous-corticales, atteignant les noyaux gris centraux. Secondairement, sont apparus une nécrose laminaire puis des foyers de nécrose hémorragique et une atrophie cérébrale à prédominance sous-corticale. La négativité du bilan paraclinique et la similitude avec les modèles animaux nous font envisager que ces lésions sont liées à l’épilepsie. Mots-clés : état de mal épileptique, crise épileptique, nécrose laminaire, IRM, diffusion, méningite virale. SUMMARY MRI findings in a case of prolonged status epilepticus We report the MR imaging findings in a 20 year old woman with status epilepticus of more than 3 months duration following an episode of lymphocytic meningitis. Repeated MR examinations showed progressive symmetrical cortical lesions, followed by subcortical and basal ganglia lesions which evolved to cortical laminar necrosis and hemorrhagic necrosis with eventual subcortical cerebral atrophy. This case has similarities with animal status epilepticus models. Biological investigations were all negative. This suggests that the brain lesions may be related to the prolonged status epilepticus. Key words: Seizures, Brain, necrosis, Magnetic Resonance (MR), diffusion study, Meningitis.. L’état de mal (EdM) épileptique est un syndrome électroclinique défini par la répétition à bref délai de crises épileptiques récurrentes, avec persistance, pendant la phase intercritique, d’une altération de la conscience et/ou de signes neurologiques traduisant un épuisement neuronal des aires corticales impliquées dans les décharges épileptiques [3]. L’EdM est responsable d’une souffrance du parenchyme cérébral qui peut être objectivée par les techniques d’imagerie de routine [1, 9, 10]. Des lésions encéphaliques peuvent ainsi apparaître, d’abord réversibles [2, 6, 15] puis constituées [5, 16]. Les mécanismes de cette souffrance sont très incomplètement identifiés et peu documentés. Il est en effet particulièrement difficile de différencier les lésions encéphaliques liées directement au phénomène épileptique de celles provoquées par l’étiologie proprement dite du mécanisme épileptique. Peu d’observations d’EdM persistant suivi en imagerie sont rapportés dans la littérature. Nous rapportons ici l’observation d’une femme âgée de 20 ans qui présente un EdM généralisé suivi sur une période de 17 semaines en IRM. Aucune étiologie n’est retrouvée. L’originalité de cette observation repose sur la similitude de la nature et de la cinétique des lésions observées en imagerie avec celles constatées sur les modèles animaux. Ceci permet de supposer Tirés à part : A. DIDELOT, CERMEP, 59, bd Pinel, 69003 Lyon. e-mail : dirien@atlas.cermep.fr que les lésions encéphaliques de cette patiente sont induites directement par l’EdM. OBSERVATION Mademoiselle D., née en 1983, originaire d’Europe centrale, sans antécédent médical ou chirurgical notable, présente un syndrome pseudogrippal avec hyperthermie modérée (38,5 °C). Après une semaine d’évolution, la patiente est retrouvée inanimée sur le sol de son appartement et présente à cinq reprises des manifestations cliniques évocatrices de crises épileptiques tonico-cloniques généralisées. Aux urgences, elle est traitée par 2x1 mg de Clonazépam intraveineux sans sédation des crises. À l’examen, il existe une hyperthermie à 38,8 °C et le score de Glasgow côte à 9, il n’y a pas de signe de focalisation neurologique ni aucun point d’appel infectieux. Il existe des pointes ondes généralisées à l’électroencéphalogramme (EEG) entrecoupées de quelques intervalles où l’on retrouve un rythme de fond physiologique. L’EdM ne cède pas et la patiente reçoit un bolus de Phénobarbital puis du Midazolam et Fentanyl après intubation et ventilation assistée. Enfin, un relais par Thiopental est effectué. L’évolution clinique est mauvaise avec persistance d’un état comateux associé à des crises convulsives cliniques. Le bilan biologique plasmatique ne met en évidence qu’un discret syndrome inflammatoire (CRP augmentée à 20,9 mg/L N < 5 ; 122 A. DIDELOT et al. l’hémogramme est normal). Il existe une méningite lymphocytaire : 120 cellules/mm3 dont 75 % de lymphocytes et une hyperprotéinorachie à 1,65 g/L (N < 0,4). La glycorachie est normale et les cultures aérobie et anaérobie reviennent négatives. La rachicentèse s’est rapidement normalisée, tout comme le syndrome inflammatoire systémique. Dans les 24 premières heures, une tomodensitométrie encéphalique puis une IRM sont réalisées. Ces examens d’imagerie sont considérés normaux. Sur le plan paraclinique, un bilan étiologique est effectué, à visée infectieuse, auto-immune, métabolique, anatomopathologique dans le LCR et paranéoplasique. L’ensemble de ce bilan est demeuré négatif outre une discrète hypothyroïdie mais sans auto-anticorps antithyroïdiens permettant d’évoquer une encéphalite de Hashimoto. Quatre IRM successives sont réalisées : • Sur l’IRM initiale (J 1), le parenchyme cérébral apparaît indemne de toute lésion, notamment sur la séquence FLAIR (figure 1). On note une discrète diminution postérieure du coefficient de diffusion mais pas de prise de contraste pathologique. Des décharges de pointes ondes généralisées subcontinues sont mises en évidence sur l’EEG. • Le second examen (figure 2), réalisé deux semaines plus tard (J 16) devant l’absence d’amélioration clinique et électroencéphalographique, révèle des anomalies de signal importantes bilatérales et grossièrement symétriques, épargnant partiellement les régions temporales. Il existe un hypersignal en T2 des putamen et a minima du corps des noyaux caudés. L’injection de gadolinium ne révèle qu’un discret rehaussement leptoméningé sans prise de FIG. 1. – IRM en coupes axiales (a) en diffusion (TR : 10 000, TE : 105, b : 1 000) et (b) en T2 FSE (TR : 3800, TE : 95). Absence d’anomalie de signal T2. Diminution du coefficient de diffusion apparent (ADC) en région occipitale de manière bilatérale à prédominance droite. a b a b FIG. 1. – Axial diffusion weighted (TR: 10 000, TE: 105, b: 1 000) and FSE T2W (TR: 3800, TE: 95) MR images. No T2W signal abnormality. Decreased apparent diffusion coefficient (ADC) in the occipital region. c FIG. 2. – IRM en coupes axiales (a) diffusion, (b) FLAIR (TR : 10 002, TE : 162, TI : 2 300), (c) T1 3D (TR : 320, TE : 4.2) avec injection de gadolinium. Hypersignal T2 cortical étendu associé à un hypersignal T2 au sein des noyaux gris centraux (noyaux lenticulaires) et dans la capsule interne. Diminution de l’ADC dans les différentes lésions. Absence de fixation pathologique du gadolinium. FIG. 2. – Axial (a) diffusion, (b) FLAIR (TR: 10 002, TE: 162, TI: 2 300), (c) postcontrast 3D T1W (TR: 320, TE: 4.2) MR images. T2W hyperintensity affecting the cortex, the basal ganglia and the internal capsule. Decreased ADC within the lesions. No contrast enhancement. IMAGERIE D’UN ÉTAT DE MAL ÉPILEPTIQUE contraste parenchymateuse associée. L’EEG est constitué de périodes infra-voltées alternant avec des bouffées de pointes ondes généralisées. • Une troisième IRM (figure 3) est réalisée un mois plus tard (J 48). Les lésions corticales constatées alors sont plus étendues que sur le précèdent examen et il existe un hypersignal des cortex occipitaux après injection de Gadolinium. De discrets foyers de nécrose hémorragique apparaissent à ce niveau. Les anomalies de l’ADC tendent à s’inverser avec notamment une augmentation nette de ce dernier au niveau des pôles occipitaux et des lobes frontaux, de manière bilatérale et symétrique. Les noyaux gris centraux sont le siège d’une nette extension des anomalies de signal avec atteinte des deux a 123 putamen, des deux thalamus et du corps des noyaux caudés. L’EEG apparaît monomorphe, constitué de pointes-ondes généralisées continues, aréactives aux différents stimuli. • Une dernière IRM (figure 4), à quatre mois, met en évidence une atteinte de l’ensemble du cortex avec des foyers bi-occipitaux de nécrose hémorragique comme en attestent les séquences réalisées en T2 écho de gradient. On note par ailleurs une atteinte sous-corticale étendue associée à une augmentation globale du volume ventriculaire d’allure secondaire. L’atteinte des noyaux gris centraux est stable mais apparaît une discrète prise de contraste au niveau des deux putamen. Il existe une activité déprimée tant en terme d’amplitude que d’organisa- b c FIG. 3. – IRM en coupes axiales (a) diffusion, (b) FLAIR et (c) T1 3D avec injection de gadolinium. Majoration des lésions avec extension à la substance blanche. Apparition de zones de nécrose hémorragique et d’une prise de contraste gyriforme. Augmentation de l’ADC au sein des lésions. FIG. 3. – Axial (a) diffusion, (b) FLAIR, (c) postcontrast 3D T1W MR images. Extension of the lesions to the white matter, developing cortical necrosis with contrast enhancement. Increased ADC values. a b c FIG. 4. – IRM en coupes axiales (a) FLAIR et (b) T1 3D avec injection de gadolinium. Majoration des lésions évoluant vers la nécrose et l’atrophie sous corticale. FIG. 4. – Axial (a) FLAIR, (b) postcontrast 3D T1W MR images. Enlarging lesions with developing necrosis and subcortical atrophy. 124 A. DIDELOT et al. tion sur le dernier EEG réalisé. Le tracé lent est surchargé de myogramme signant la persistance de crises convulsives. La sévérité des lésions encéphaliques aboutit au décès de la patiente après trois mois et deux semaines d’évolution des troubles dans un tableau de défaillance multiviscérale. La famille de la patiente s’est opposée à la réalisation d’une vérification anatomique. DISCUSSION Les EdM, qu’ils soient partiels ou généralisés, peuvent induire une grande variété de lésions parenchymateuses. Les lésions actuellement décrites le sont essentiellement à partir de modèles animaux et la distinction est longtemps restée délicate entre lésion causale et consécutive à un état de mal épileptique. Par ailleurs, peut se poser aussi la question de la pérennité d’un EdM à la faveur de lésions secondaires, directement générées par le phénomène épileptique initial. Les lésions retrouvées, notamment à partir de modèles murins [14] ou de babouins, concernent le cortex avec l’habituelle sclérose hippocampique qui apparaît être la structure cérébrale la plus vulnérable à l’épilepsie qu’elle soit temporale ou généralisée [16]. On retrouve aussi de nombreuses atteintes des noyaux gris centraux : Norman et al. [12] décrit en 1964 des lésions parenchymateuses au niveau du thalamus, de l’amygdale, du striatum et même au niveau du cervelet. Cette répartition est rapportée à une sensibilité particulière de certaines populations neuronales par rapport à d’autres. Il apparaît en tout cas, comme l’a rapporté Wasterlain [17] puis Men [11], que les lésions parenchymateuses postcritiques observées chez l’homme sont le fait d’une nécrose neuronale sélective comme l’avait déjà démontré Fujikawa [7] chez le rat. S’y associent des phénomènes inflammatoires secondaires et réactionnels à la nécrose neuronale. Les anomalies de l’ADC observées dans les lésions encéphaliques parenchymateuses consécutives à l’EdM suivent une évolution similaire à celles observées dans les phénomènes ischémiques [4, 8, 13, 18, 19] : après une phase précoce de diminution de l’ADC, ce dernier augmente secondairement, consécutivement à la mort cellulaire et donc à l’augmentation du nombre des molécules d’eau libres. L’observation que nous rapportons ici présente l’originalité de comporter un suivi iconographique régulier par résonance magnétique d’un EdM avec le développement de différentes lésions parenchymateuses au cours du temps. À ce jour, peu d’articles concernant ce suivi sont colligés dans la littérature et l’essentiel de nos connaissances est extrapolé à partir de données animales ou nécropsiques. Dans le cas présent, se développent à deux semaines des lésions corticales œdémateuses cytotoxiques, initialement asymétriques et qui tendent secondairement à devenir bilatérales en atteignant consécutivement les noyaux gris centraux. L’ensemble de ces lésions conduit à une nécrose corticale hémorragique étendue responsable du décès de la patiente. Ces lésions observées rejoignent dans leur répartition géogra- phique et leur évolution celles décrites à partir des modèles animaux. Une réserve doit être faite quant à la valeur qui est donnée aux lésions cérébrales dans ce cas précis. En effet, le bilan étiologique, bien que se voulant exhaustif, est demeuré négatif et nous n’avons pu bénéficier d’une nécropsie. Il est à noter que cette dernière n’aurait très probablement pas apporté de réponse spécifique du fait de l’importance et de l’ancienneté des lésions au moment du décès de la patiente. L’hypothèse qui peut être évoquée dans ce cas est la survenue d’une méningite virale aspécifi que responsable du déclenchement du phénomène épileptique. Ce dernier a ensuite évolué pour son propre compte, indépendamment de l’histoire naturelle de la méningite. Ainsi, l’EdM initial a pu être à l’origine de lésions parenchymateuses, elles mêmes à l’origine de l’entretien des crises d’épilepsie. On assiste alors à une autonomisation du processus qui évolue indépendamment de l’événement initial. La corrélation aux modèles animaux plaide ici en faveur de la nature post critique des anomalies iconographiques observées. RÉFÉRENCES [1] CALLAHAN DJ, NOETZEL MJ. Prolonged absence status epilepticus associated with Carbamazepine therapy, increased intracranial pressure, and transient MRI abnormalities. Neurology 1992; 42: 2198-2202. [2] CHAN S, CHIN SSM, KARTHA K, NORDLI DR, GOODMAN RR, PEDLEY TA and HILAL SK. 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Analyses de livres Atlas of morphology anf functional anatomy of the brain T. Scarabino, U. Salvolini. in collaboration with, F. Di Salle, H. Duvernoy et P. Rabishong Springer Verlag Berlin Heidelberg 2006 (127 pages) Il n’est plus nécessaire de présenter les auteurs ni leur passion pour la neuro-anatomie. L’atlas qu’il nous propose est le bien venu tant il est vrai que l’IRM, en particulier à 3 Teslas, apporte une approche neuro-anatomique de plus en plus précise. Après un chapitre introductif de Pierre Rabishong, le livre est divisé en deux parties. La première, morphologique, est un atlas montrant des images de surface du cerveau puis des coupes axiales, frontales et sagittales de haute définition ; chaque figures d’IRM est comparée à une vue anatomique et les légendes très accessibles permet au lecteur une identification aisée des structures. La deuxième, fonctionnelle illustre diverses zones corticales fonctionnelles, motrice, auditive visuelle et les régions impliquées dans le langage. Cet ouvrage sera, à n’en pas douter, très apprécié par l’ensemble des spécialistes en neuro-imagerie pour sa clarté et sa précision. Bone and joint disorders Differential diagnosis in conventional radiology F.A. Burgener, M. Kormano, T. Pudas Thieme Stuttgart, New York 2006 (404 pages) En pathologie ostéo-articulaire, la radiographie standard reste d’actualité et cette deuxième édition révisée du livre de F.A. Burgener, M. Kormano, T. Pudas est très attendue. Toutes les caractéristiques qui ont fait le succès des ouvrages consacrés au diagnostic différentiel en radiographie standard sont retrouvés : clarté et brièveté des chapitres, pertinence des tableaux synthétiques, qualité des figures, nombre et intérêt didactique des schémas. L’ouvrage comporte quinze chapitres : les premiers ont une orientation sémiologique et pathologique (ostéopénie, ostéosclérose, réaction périostée, traumatisme, lésions localisées à l’os, aux articulations, aux parties molles) ; les autres, une orientation topographique (crâne, orbites, massif facial, rachis et pelvis, thorax, membres). Dans ce livre, les informations sont précises, claires, très faciles à retrouver et toujours remarquablement illustrées ; il y a, en effet, plus de mille figures et schémas. Il s’agit d’un ouvrage de référence, indispensable en pratique quotidienne, à tout radiologue, en formation initiale ou continue.