Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 12, 1191-1199 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 1191 Mémoire Infarctus cérébraux multiples se présentant comme une dégénérescence cortico-basale : pseudo dégénérescence cortico-basale vasculaire ? A. Kreisler1, B. Mastain1, F. Tison2, G. Fénelon3, A. Destée1 1 Service de Neurologie et Pathologie du mouvement, EA 2683 MENRT, CHU, Lille. Service de Neurologie, Hôpital Haut Lévèque, Pessac. 3 Service de Neurologie, Hôpital Henri Mondor, Créteil. 2 RÉSUMÉ Nous rapportons les observations de cinq patients, dont la présentation évoquait le diagnostic de dégénérescence cortico-basale : syndrome parkinsonien d’aggravation progressive, asymétrique, résistant à la L-DOPA, associé de façon variable d’un patient à un autre à une apraxie, des myoclonies d’action focales, une dystonie focale, des troubles de la sensibilité corticale, ou une apraxie diagonistique. L’anamnèse de plusieurs patients était toutefois atypique, notamment par l’apparition brusque de certains des symptômes. L’imagerie par résonance magnétique cérébrale a révélé des lésions vasculaires étendues. Sans pouvoir exclure une authentique maladie neurodégénérative chez ces patients, nos cas font envisager que des infarctus cérébraux puissent mimer ou modifier l’expression clinique d’une dégénérescence cortico-basale. Mots-clés : Dégénérescence cortico-basale • Pathologie vasculaire cérébrale • Imagerie par résonance magnétique SUMMARY Multi-infarct disorder presenting as corticobasal degeneration (DCB): vascular pseudo-corticobasal degeneration? A. Kreisler, B. Mastain, F. Tison, G. Fénelon, A. Destée, Rev Neurol (Paris) 2007; 163: 12, 1191-1199 We report on five patients with a clinical presentation of corticobasal degeneration (CBD), including gradually progressive, asymmetric, L-DOPA-resistant parkinsonism associated variously with apraxia, focal action myoclonus, focal dystonia, cortical sensory loss and alien limb phenomenon. Some patients also presented an atypical CBD clinical history or signs — notably sudden onset. The disease was however not suggestive of another diagnosis. Magnetic resonance imaging of the brain revealed extensive vascular lesions. Only five similar cases have been published to our knowledge. Although we cannot exclude underlying CBD pathology, our cases illustrate the fact that multi-infarct pathology can masquerade as CBD or alter the clinical phenotype of the disease. Keywords: Corticobasal degeneration • Vascular disease • Magnetic resonance imaging INTRODUCTION C’est à Jean Rebeiz et al. (1967) que nous devons la première description clinique et anatomopathologique de dégénérescence cortico-basale (DCB). Les caractéristiques habituelles de cette affection dégénérative rare de l’adulte ont ensuite été précisées dans de nombreuses séries cliniques (Gibb et al., 1989 ; Kompoliti et al., 1998 ; Litvan et al., 1997 ; Riley et al., 1990 ; Rinne et al., 1994 ; Wenning et al., 1998) et clinico-pathologiques (Litvan et al., 1997 ; Wenning et al., 1998). Dans sa forme classique, la DCB se présente surtout par un syndrome parkinsonien atypique : exempt de tremblement de repos, très asymétrique, d’aggravation plus rapide que lors de la maladie de Parkinson (MP) et dont la sensibilité aux traitements dopaminergiques est faible ou nulle. S’y associent progressivement une dystonie et une grande variété de symptômes d’origine corticale, tels des myoclonies, une apraxie idéomotrice (Kompoliti et al., 1998), un phénomène du membre étranger, un syndrome pyramidal, des troubles de la sensibilité corticale (Litvan et al., 1997 ; Rebeiz et al., 1967 ; Riley et al., 1990 ; Rinne et al., 1994) — tous éléments eux aussi asymétriques — et un syndrome dysexécutif (Pillon et al., 1995). On considère habituellement que cette symptomatologie est très spécifique de la DCB. Cependant, cette constellation de signes cliniques a déjà été observée de façon plus ou moins complète dans la maladie d’Alzheimer (MA), la paralysie supranucléaire progressive (PSP), ou la maladie de Pick (Bhatia et al., Correspondance : A. KREISLER, Service de Neurologie et Pathologie du mouvement, Hôpital Roger Salengro, F-59037 Lille CEDEX. E-mail : a-kreisler@chru-lille.fr A. KREISLER et coll. 1192 Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 12, 1191-1199 2000 ; Boeve et al., 1999). Cinq cas de pathologie cérébrovasculaire mimant la DCB ont été signalés (Bhatia et al., 2000 ; Rinne et al., 1994). Nous rapportons les observations de cinq nouveaux patients dont la présentation clinique était évocatrice du diagnostic de DCB, mais se sont avérés être porteurs de lésions vasculaires cérébrales pouvant expliquer leurs symptômes. OBSERVATIONS Patiente n° 1 Cas n° 97/1778. — Une femme, âgée de 64 ans, droitière, fut adressée en consultation pour des mouvements anormaux involontaires du membre supérieur gauche, décrits comme des secousses musculaires d’apparition subaiguë et d’aggravation progressive. Cette patiente présentait pour antécédents une cryoglobulinémie mixte de type II (IgGκ monoclonale et IgM polyclonale), un purpura des membres inférieurs et une arthrite de hanche. Elle ne présentait pas d’autre facteur de risque vasculaire. La consultation neurologique eut lieu six mois après le début des troubles. Les mouvements anormaux furent attribués à des myoclonies d’action focales du membre supérieur gauche, qui n’étaient pas renforcées par les stimuli sensoriels. L’examen montrait également un syndrome parkinsonien marqué par une akinésie modérée responsable de la perte du ballant du bras gauche, une rigidité de ce même membre et une dysarthrie. Il n’y avait pas de déficit moteur ni sensitif. Les réflexes ostéo-tendineux étaient vifs aux membres supérieurs, notamment à gauche, mais il n’y avait pas de signe de Babinski. Les nerfs crâniens étaient normaux, il n’y avait pas de syndrome cérébelleux. Enfin, était relevée une apraxie mélokinétique, idéomotrice (gestes symboliques, imitation, pantomimes) et idéatoire du membre supérieur gauche. Il n’y avait pas de syndrome dysexécutif. Une tristesse de l’humeur importante fut relevée. Le diagnostic de DCB fut évoqué en première hypothèse. Dans les mois qui suivirent apparut un syndrome cérébelleux cinétique des membres supérieurs, prédominant à gauche. L’apraxie s’aggrava et se bilatéralisa. Les troubles arthriques s’aggravèrent également et un agrammatisme apparut. Les examens biologiques de routine étaient normaux, de même que l’électroencéphalogramme (EEG). L’enregistrement électromyographique confirma la présence de myoclonies d’action du membre supérieur gauche ; leur durée était de 20 ms au niveau de la main, et de 50 à 100 ms au niveau de l’avant-bras et du bras. Les décharges myocloniques étaient parfois synchrones. L’IRM cérébrale (Fig. 1) révéla de nombreux hypersignaux T2 évocateurs de lésions ischémiques, hémisphériques droites et sous-tentorielles, ainsi qu’une atrophie corticale et sous-corticale symétrique, modérée. La tomoscintigraphie d’émission monophotonique (TEMP) cérébrale au 99 mTc-hexaméthyl propylèneamine oxime (HmPaO) montrait une réduction du débit sanguin Fig. 1. – IRM cérébrale en séquence T2 de la patiente n° 1. Hémisphère droit : lésions ischémiques impliquant : (1) le cortex ou les faisceaux sous-corticaux des trois gyri frontaux (seule la lésion de F3 est montrée) ; (2) le cortex des gyri pré- et post-centraux (non montré) ; (3) le cortex des deux premiers gyri temporaux (seule la lésion de T2 est montrée) ; (4) les régions antérieure et moyenne du centre semi-ovale ; (5) la capsule interne. Hémisphère gauche : pas de lésion. Fosse postérieure (non montrée) : lésions ischémiques impliquant : (1) les hémisphères cérébelleux ; (2) la moitié gauche du mésencéphale. Brain T2-weighted MRI, patient 1. Right hemisphere: ischemic lesions of (1) the three frontal gyri (only F3 lesion is shown); (2) the pre- and post-central gyri (not shown); (3) the two first temporal gyri (only T2 lesion is shown); (4) the anterior and median parts of the centrum semiovale; and (5) the internal capsule. Left hemisphere: no lesion. Posterior fossa (not shown): ischemic lesions of (1) both cerebellar hemispheres; and (2) the left part of the mesencephalon. cérébral (DSC) dans les régions frontale postérieure droite et pariéto-occipitale droite. Un traitement anti-aggrégant plaquettaire (acide acétylsalicylique 300 mg/jour) en association à une corticothérapie (en bolus puis par voie orale) fut proposé compte tenu de la cryoglobulinémie. Plusieurs inhibiteurs de recapture de la sérotonine furent également proposés pour la symptomatologie dépressive. Cette thérapeutique a permis de stabiliser la symptomatologie pendant au moins 5 ans au bout desquels la patiente fut perdue de vue. Patiente n° 2 Cas n° 97/1437. — Cette femme, âgée de 77 ans, présentait des antécédents de prothèse de hanche, de néoplasie mammaire et d’hystérectomie. Elle fut hospitalisée pour une instabilité à la marche qui s’aggravait de façon lentement progressive depuis 2 ans, occasionnant des chutes en rétropulsion. Une phlébite compliquée d’une embolie pulmonaire avait été diagnostiquée peu avant l’apparition des premiers signes neurologiques ; elle recevait toujours un traitement par anti-vitamine K. Depuis six mois était apparu un tremblement de repos distal du membre supérieur gauche, non amélioré par la L-DOPA (300 mg/j). A. KREISLER et coll. © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Mémoire • Infarctus cérébraux multiples se présentant comme une dégénérescence cortico-basale L’examen neurologique trouvait d’autres éléments parkinsoniens sous forme d’une akinésie et d’une rigidité de ce même membre, ainsi qu’une instabilité posturale franche, une amimie, une hypophonie et une dysarthrie parkinsonienne. La patiente signalait des troubles de déglutition. Il existait des myoclonies aux membres supérieurs, déclenchées par les stimuli somesthésiques. Les réflexes ostéotendineux étaient vifs aux quatre membres. Le réflexe cutané plantaire était en flexion à droite mais en extension à gauche. L’oculomotricité était normale. L’examen neuropsychologique montrait une diminution marquée de l’efficience cognitive globale (échelle de démence de Mattis : 96/144). Il existait des signes de la lignée frontale : apathie, persévérations verbales et motrices ; les fonctions exécutives étaient difficiles à évaluer du fait de troubles de la compréhension mais apparaissaient très altérées. Une apraxie idéomotrice et idéatoire prédominait au membre supérieur gauche. Le diagnostic de DCB était évoqué. Par la suite, les troubles de l’équilibre se majorèrent, amenant la patiente à se déplacer en chaise roulante. Les troubles de déglutition s’aggravèrent. Une dystonie apparut au membre supérieur gauche, accompagnée d’un phénomène du membre étranger : « Il ne veut pas faire ce que je veux. », « C’est comme si c’était la main de quelqu’un d’autre. » Finalement, la patiente devint grabataire et mourut d’une pneumopathie d’inhalation. Les examens biologiques de routine étaient normaux. L’enregistrement électromyographique montra des décharges synchrones au membre supérieur gauche, évocatrices de myoclonies (sans potentiels évoqués géants ni de réponse C) ainsi qu’un tremblement postural (7 Hz). Il n’y avait pas de tremblement de repos. L’IRM cérébrale (Fig. 2) montra des hypersignaux T2 évocateurs de lésions ischémiques, touchant principalement les régions profondes des deux hémisphères cérébraux, ainsi qu’une atrophie corticale et sous-corticale. La TEMP cérébrale au HmPaO montrait une réduction bilatérale du DSC dans les régions frontales et préfrontales. Patiente n° 3 Cas n° HO N 94/1672. — Une femme, âgée de 76 ans, hypertendue (traitée par nicardipine puis captopril) sans autre facteur de risque vasculaire, vit s’installer des troubles de l’équilibre d’aggravation progressive, occasionnant des chutes après six mois d’évolution. De plus, elle ressentait une difficulté dans l’usage son membre supérieur gauche et pour distinguer son hémicorps droit de son hémicorps gauche. Un traitement par L-DOPA avait été proposé (300 mg/j), sans permettre d’amélioration. L’examen neurologique effectué un an après le début des troubles montrait un syndrome parkinsonien akinétique et rigide de l’hémicorps gauche et axial. Le membre supérieur gauche adoptait une posture en flexion, collé au tronc, inutilisable. La marche, difficile, s’effectuait à petits pas et le pied gauche raclait le sol. Il existait des myoclonies spontanées et réflexes du membre supérieur droit. Les réflexes 1193 Fig. 2. – IRM cérébrale en séquence T2 de la patiente n° 2. Hémisphère droit : lésions ischémiques impliquant : (1) le cortex ou les faisceaux sous-corticaux des gyri pré- et post-centraux ; (2) les régions antérieure, moyenne et postérieure du centre semi-ovale ; (3) le putamen ; (4) le noyau caudé. Hémisphère gauche : lésions ischémiques impliquant : (1) le cortex ou les faisceaux sous-corticaux du gyrus précentral ; (2) la partie médiane du cortex pariétal (non montrée) ; (3) les régions moyenne et postérieure du centre semi-ovale ; (4) la capsule interne ; (5) le putamen ; (6) le noyau caudé. Fosse postérieure (non montrée) : lésions ischémiques impliquant la protubérance. Brain T2-weighted MRI, patient 2. Right hemisphere: ischemic lesions of (1) the pre- and post-central gyri; (2) the anterior, median and posterior parts of the centrum semiovale; (3) the putamen; and (4) the caudate nucleus. Left hemisphere: ischemic lesions of (1) the pre and post-central gyri; (2) the medial part of the parietal cortex (not shown); (3) the median and posterior parts of the centrum semiovale; (4) the internal capsule; (5) the putamen; and (6) the caudate nucleus. Posterior fossa (not shown): ischemic lesions of the pons. ostéo-tendineux étaient vifs à gauche ; il existait un signe de Babinski à gauche. L’examen de la sensibilité montrait une extinction sensitive hémicorporelle gauche et une réduction de la palesthésie. La patiente avait des difficultés pour déglutir. L’oculomotricité était discrètement diminuée vers le haut. Le score au Mini Mental Status de Folstein était de 26/30. On notait une apraxie idéomotrice, une apraxie idéatoire, une apraxie constructive, une apraxie diagonistique (la main gauche interférait avec les mouvements de la main droite) ainsi qu’une hémiasomatognosie gauche, une agnosie droite-gauche, une dyscalculie et des difficultés en mémoire épisodique. Le diagnostic de DCB fut posé sur ces éléments cliniques. L’état de la patiente se dégrada rapidement : elle devint grabataire et, deux ans après le début des troubles, mourut d’une décompensation cardiaque sur pneumopathie. Les examens de routine étaient normaux à l’exception d’un aspect d’hypertrophie ventriculaire gauche sur l’ECG. L’IRM cérébrale (Fig. 3) montra de nombreux hypersignaux T2 de substance blanche, évocateurs de lésions ischémiques, profondes, bihémisphériques, ainsi qu’une atrophie corticale et sous-corticale symétrique. La TEMP cérébrale au HmPaO montra une réduction du DSC dans la région pariétale droite. A. KREISLER et coll. 1194 Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 12, 1191-1199 Fig. 3. – IRM cérébrale en séquence T2 de la patiente n° 3. Hémisphère droit : lésions ischémiques impliquant : (1) le cortex ou les faisceaux sous-corticaux des trois gyri frontaux (seule la lésion de F3 est montrée) ; (2) le cortex ou les faisceaux sous-corticaux des gyri pré- et post-centraux ; (3) le cortex ou les faisceaux souscorticaux des parties médiane (non montré) et latérale du lobe pariétal ; (4) le cortex insulaire (non montré) ; (5) le lobe occipital ; (6) les régions antérieure, moyenne et postérieure du centre semiovale ; (7) le putamen. Hémisphère gauche : lésions ischémiques impliquant : (1) le cortex du troisième gyrus frontal (non montré) ; (2) le cortex ou les faisceaux sous-corticaux des gyri pré- et postcentraux ; (3) le cortex du lobule pariétal inférieur (non montré) ; (4) le cortex insulaire (non montré) ; (5) les régions antérieure, moyenne et postérieure du centre semi-ovale ; (6) le putamen ; (7) le thalamus (non montré). Fosse postérieure (non montrée) : pas de lésions. Brain T2-weighted MRI, patient 3. Right hemisphere: ischemic lesions of (1) the three frontal gyri (only F3 lesion is shown); (2) the preand post-central gyri; (3) the medial (not shown) and lateral parts of the parietal lobe; (4) the insular cortex (not shown); (5) the occipital lobe; (6) the anterior, median and posterior parts of the centrum semiovale; and (7) the putamen. Left hemisphere: ischemic lesions of (1) the third frontal gyrus (not shown); (2) the pre- and post-central gyri; (3) the inferior parietal lobulus (not shown); (4) the insular cortex (not shown); (5) the anterior, median and posterior parts of the centrum semiovale; (6) the putamen; and (7) the thalamus (not shown). Posterior fossa (not shown): no lesion. Patiente n° 4 Cas n° 92012756. — Cette femme, âgée de 68 ans (aux antécédents de néoplasie mammaire ancienne et de syndrome subocclusif sur fécalome, sans facteur de risque vasculaire) présenta de façon brusque un déficit sensitif et un discret déficit moteur du membre supérieur gauche. Une première IRM cérébrale révéla un hypersignal T2 corticosous-cortical occipital et pariétal droit étendu (gyrus supramarginal, gyrus angulaire et lobe pariétal supérieur) confirmant le diagnostic d’infarctus cérébral ; les lésions épargnaient les noyaux gris. Il existait également une atrophie corticale et sous-corticale symétrique modérée. Bien que le déficit moteur ait intégralement disparu au cours du mois suivant, le patient se plaignait d’une rigidité du membre supérieur gauche et d’une difficulté à utiliser sa main gauche. Un diagnostic de maladie de Parkinson fut suggéré mais le traitement par L-DOPA (400 mg/j) n’apporta aucun bénéfice. Un anti-aggrégant plaquettaire fut instauré (acide acétylsalicylique 250 mg/jour). Un an après l’accident vasculaire Fig. 4. – IRM cérébrale en séquence T2 (FLAIR) de la patiente n° 4. Hémisphère droit : lésions ischémiques impliquant : (1) le cortex ou les faisceaux sous-corticaux des deux premiers gyri frontaux ; (2) le cortex ou les faisceaux sous-corticaux des parties latérales inférieure et supérieure du lobe pariétal ; (3) les régions moyenne et postérieure du centre semi-ovale. Hémisphère gauche : lésions ischémiques impliquant les régions moyenne et postérieure du centre semiovale. Fosse postérieure (non montrée) : pas de lésion. Brain T2-weighted MRI, patient 4. Right hemisphere: ischemic lesions of (1) the first and second frontal gyri; (2) the medial and lateral parts of the parietal lobe; and (3) the median and posterior parts of the centrum semiovale. Left hemisphere: ischemic lesions of the median and posterior parts of the centrum semiovale. Posterior fossa (not shown): no lesion. cérébral (AVC), l’examen neurologique montrait une akinésie, une rigidité, une dystonie (adduction du pouce, flexion de l’index, extension des trois autres doigts) et un tremblement de repos et d’action du membre supérieur droit. La patiente présentait une difficulté d’initiation de la marche, la longueur des pas était courte. Il n’y avait pas de déficit moteur. Les réflexes ostéo-tendineux étaient normaux à l’exception de l’abolition des réflexes rotuliens. Les réflexes cutanés plantaires étaient en flexion. On observait des troubles sensitifs de l’hémicorps gauche : extinction sensitive, astéréognosie, apalesthésie, douleurs de déafférentation. Une agraphesthésie était constatée à droite. Il existait une apraxie à gauche (d’imitation, constructive, et mélokinétique), une négligence spatiale gauche, une dyscalculie, un syndrome dysexécutif (altérations au Wisconsin Card Sorting Test et au test de Stroop). La fluidité du langage spontané était réduite et il existait des difficultés en dénomination. La patiente présentait un syndrome dépressif pour lequel elle reçut de la clomipramine et du bromazépam, sans amélioration. Un diagnostic clinique de DCB était posé. Au cours de l’année suivante, son état s’aggrava, malgré une augmentation de la dose de L-DOPA (600 mg/j). Devenue grabataire, la patiente mourut 6 années après l’apparition des premiers troubles neurologiques. Les examens biologiques de routine étaient normaux. Une seconde IRM cérébrale (Fig. 4) retrouvait l’hypersignal T2 pariéto-temporo-occipital, ainsi que de nouvelles lésions d’allure ischémique de topographie sous-corticale, pariétale gauche et frontale droite. A. KREISLER et coll. © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Mémoire • Infarctus cérébraux multiples se présentant comme une dégénérescence cortico-basale 1195 Patiente n° 5 Cas n° 99/15036. — Une femme, âgée de 73 ans, aux antécédents d’hypertension artérielle (HTA), d’hypercholestérolémie et d’ictus mnésique, fut adressée pour des difficultés motrices de la main gauche, apparues trois ans auparavant et s’aggravant de façon progressive. Elle se plaignait également d’une diplopie verticale et de difficultés mnésiques. Un syndrome parkinsonien de l’hémicorps gauche avait été diagnostiqué. Le traitement par L-DOPA (300 mg/j) ne permit pas d’améliorer la symptomatologie ; le ropinirole fut mal supporté (hypotension orthostatique symptomatique) et interrompu. L’examen neurologique retrouva une akinésie et une rigidité plastique des quatre membres, prédominant à gauche, mais aussi une dystonie. La posture et la marche étaient normales. Les réflexes ostéo-tendineux étaient vifs, notamment à gauche, à l’exception des réflexes achilléens qui étaient abolis. Il n’y avait pas de signe de Babinski. Le score au Mini Mental Status était de 26/30. Il existait une apraxie idéomotrice de la main gauche et une apraxie constructive. La patiente présentait un syndrome dysexécutif : une réduction de la fluidité du langage, des persévérations verbales, une perte de flexibilité, des faibles performances au Wisconsin Card Sorting Test (seulement deux catégories trouvées) et des difficultés de récupération des informations en mémoire à long terme. Il existait des difficultés attentionnelles et un manque du mot. Le diagnostic de DCB fut évoqué. Au cours des trois années suivantes, son état s’aggrava : des chutes apparurent et devinrent de plus en plus fréquentes ; la posture dystonique du membre supérieur gauche s’aggrava et celui-ci devint inutilisable au cours de la cinquième année d’évolution ; les mouvements oculaires ralentirent ; le langage devint dysarthrique ; des troubles de déglutition apparurent. Les examens biologiques de routine étaient normaux. L’IRM cérébrale (Fig. 5) montra des hypersignaux T2 évocateurs de lésions ischémiques, de localisation profonde à prédominance hémisphérique gauche, et une atrophie corticosous-corticale modérée et symétrique. Un syndrome dépressif fut traité par venlafaxine. Un traitement anti-aggrégant plaquettaire fut introduit (acide acétylsalicylique 250 puis 75 mg/jour), qui n’empêcha pas une aggravation progressive au cours des années suivantes. DISCUSSION Le tableau clinique de la DCB est souvent aisément reconnaissable, permettant de la distinguer des autres maladies dégénératives dominées par un syndrome parkinsonien (Gibb et al., 1989 ; Rebeiz et al., 1967 ; Riley et al., 1990 ; Rinne et al., 1994). Cependant, dans des séries clinicopathologiques récentes, le diagnostic clinique de DCB était porté par erreur dans 6 à 46 p. 100 des cas (Boeve et al., 1999 ; Kompoliti et al., 1998 ; Litvan et al., 1997 ; Pillon et al., 1995 ; Wenning et al., 1998). La DCB peut être confondue Fig. 5. – IRM cérébrale en séquence T2 de la patiente n° 5. Hémisphère droit : lésions ischémiques impliquant : (1) les régions antérieure et moyenne du centre semi-ovale ; (2) le putamen ; (3) le pallidum ; (4) le noyau caudé. Hémisphère gauche : lésions ischémiques impliquant : (1) les régions antérieure, moyenne et postérieure du centre semi-ovale ; (2) le putamen ; (3) le pallidum. Fosse postérieure (non montrée) : pas de lésion. Brain T2-weighted MRI, patient 5. Right hemisphere: ischemic lesions of (1) the anterior and median parts of the centrum semiovale; (2) the putamen; (3) the globus pallidus; and (4) the caudate nucleus.Left hemisphere: ischemic lesions of (1) the anterior, median and posterior parts of the centrum semiovale; (2) the putamen; and (3) the globus pallidus. Posterior fossa (not shown): no lesion. avec d’autres pathologies neuro-dégénératives, telles la PSP et la MA (Boeve et al., 1999 ; Grimes et al., 1999), ou même une pathologie cérébro-vasculaire, qu’il s’agisse de lacunes multiples ou d’une leuco-araïose (Rinne et al., 1994 ; Bhatia et al., 2000). Rinne et al. (1994) signalèrent les premiers trois patients porteurs d’un phénotype clinique de DCB, mais avec des lésions vasculaires cérébrales étendues, sans donner plus de détails. Deux autres cas furent ensuite décrits par Bhatia et al. (2000). Tous deux présentaient un syndrome parkinsonien asymétrique, d’aggravation progressive, résistant à la L-DOPA, associé à une dystonie focale. Certaines composantes cliniques étaient atypiques pour une DCB : des mictions impérieuses (patiente n° 1) et une hémianopsie latérale homonyme (patiente n° 2). De plus, la description ne permettait pas de déterminer clairement s’il existait une apraxie ; il était juste mentionné que ces patients présentaient des difficultés pour imiter les postures complexes. Les IRM cérébrales montraient des lésions diffuses apparaissant en hypersignal T2, bilatérales, localisées dans les centres semi-ovales, la substance blanche périventriculaire et les noyaux gris de la base. D’autres lésions concernaient l’insula droite (patiente n° 1) et la protubérance (patiente n° 2). Nous décrivons ici cinq nouveaux cas dont l’histoire de la maladie et l’examen clinique étaient compatibles avec le diagnostic de DCB (Tableau I), mais chez lesquels l’imagerie cérébrale montra de vastes lésions cérébrales d’allure vasculaire. Les éléments cliniques typiques de DCB étaient les suivants : syndrome parkinsonien asymétrique, d’aggra- A. KREISLER et coll. 1196 – – – – – – – + – – + + + + + 5 NÉ : non évalué ; TSC : trouble de la sensibilité corticale ; + : présent ; - : absent. – + – – – + – + + – + + + + 4 + – + + – – – – – – – – – + + + – + – – + + + + + + + + 3 + + 2 + – – + – – – + – – – + NÉ + + + 1 Paralysie Patiente Maladie Syndrome Résistance de la Membre Myoclonies Antécédent Syndrome Tremblement Démence n° chronique Asymétrie akinétoà la Apraxie TSC Dystonie Dysautonomie verticalité étranger focales d’AVC cérébelleux de repos précoce progressive rigide L-DOPA du regard précoce Critères d’inclusion Tableau I. – Critères diagnostiques de dégénérescence corticobasale selon Kumar et al. (1994). Tableau I. – Diagnostic criteria of corticobasal degeneration according to Kumar et al. (1994). Critères d’exclusion Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 12, 1191-1199 vation progressive, résistant à la L-DOPA et associé de façon variable à une apraxie idéomotrice, des myoclonies d’action focales, une dystonie, des troubles de la sensibilité corticale ou une apraxie diagonistique. Les patientes n° 2 à 5 remplissaient les critères diagnostiques de DCB proposés par Lang et al. (1994) et Kumar et al. (1998) (Tableau I). Ces critères n’étaient pas totalement satisfaits chez le patient 1, puisque les myoclonies n’étaient pas déclenchées par les stimuli externes et correspondaient plutôt à des myoclonies d’action. Surtout, il existait chez certaines de ces patientes des éléments indiquant un diagnostic autre qu’une DCB : chez les patientes n° 1 et 4, le début brusque évoquait une pathologie vasculaire cérébrale. De plus, certains des éléments cognitifs étaient relativement atypiques. La patiente n° 2 présentait des troubles de compréhension alors que l’aphasie est plutôt de type moteur dans la DCB (Black, 2000 ; Graham et al., 2003) ; cependant, de tels troubles de compréhension ont aussi été décrits (Arima et al., 1994 ; Black, 2000 ; Ikeda et al., 1996). La patiente n° 2 présenta une démence tôt dans l’évolution de la maladie ; ce critère d’exclusion classique (Kumar et al., 1998 ; Lang et al., 1994) est pourtant controversé puisque la démence est reconnue comme un mode de début possible de la DCB dans une publication avec confirmation neuropathologique (Grimes et al., 1999). Les patientes n° 3 et 4 présentèrent une hémiasomatognosie gauche, associée respectivement à une agnosie droite-gauche et à une négligence spatiale gauche ; les troubles de l’intégration visuospatiale ont été très ponctuellement décrits dans la DCB : syndrome de Balint (Mendez, 2000), ataxie optique (Okuda et al., 2000) et négligence spatiale gauche (Rey et al., 1995). Les patientes n° 1, n° 2 et n° 3 présentaient une apraxie idéatoire en plus d’une apraxie idéomotrice, et la patiente n° 4 présentait principalement une apraxie constructive, alors qu’une apraxie idéomotrice isolée est la plus caractéristique de la DCB (Leiguarda et al., 1994 ; Peigneux et al., 2001). Enfin, un tremblement de repos (souvent considéré comme un critère d’exclusion (Kumar et al., 1998 ; Lang et al., 1994)) était observé chez les patientes n° 2 et n° 4 ; des myoclonies peuvent toutefois imiter un tremblement de repos (Ikeda et al., 1990). Ceci était d’ailleurs bien illustré par la patiente n° 2, où l’enregistrement électrophysiologique a exclu la présence d’un tremblement de repos et a permis de reconnaître de fines myoclonies. Ces observations illustrent l’importance de l’IRM cérébrale dans le diagnostic des syndromes parkinsoniens atypiques (Yekhlef et al., 2003). Dans la DCB, l’IRM montre habituellement une atrophie cérébrale asymétrique, avec une implication particulière des régions frontale postérieure et pariétale controlatérales à l’hémicorps le plus atteint (Ballan et al., 1998 ; Caselli et al., 1992 ; Gimenez-Roldán et al., 1994 ; Grisoli et al., 1995 ; Litvan et al., 1997 ; Savoiardo et al., 2000 ; Soliveri et al., 1999 ; Tokumaru et al., 1996). Le cortex atrophique peut présenter un hypersignal en séquences de densité de proton et FLAIR (Grisoli et al., 1995 ; Savoiardo et al., 2000 ; Winkelmann et al., 1999). Un hyposignal du noyau lenticulaire en séquence T2 a A. KREISLER et coll. © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Mémoire • Infarctus cérébraux multiples se présentant comme une dégénérescence cortico-basale aussi été rarement observé (Grisoli et al., 1995 ; Savoiardo et al., 2000). Ces patientes ne présentaient aucun des signes radiologiques mentionnés ci-dessus, mais des lésions vasculaires étendues. En général, les patients atteints de DCB authentique présentent des lésions de la substance blanche périventriculaire bien moins franches que ce qui fut observé chez ces patientes, d’âges équivalents (Savoiardo et al., 2000). Ces données suggèrent que le tableau clinique de ces patientes était consécutif à la pathologie vasculaire. Le syndrome akinéto-rigide est explicable par les lacunes multiples de substance blanche (patientes 1, 3 et 4) et/ou par les lésions lenticulaires (patientes 2, 3 et 5) (Fénelon et Houéto, 1998 ; Sibon et al., 2004). Chez les patientes n° 2, n° 3 et n° 5, la présence d’une apraxie idéomotrice ou idéatoire peut être liée aux lésions étendues des lobes pariétaux, impliquant le cortex ou la substance blanche sous-jacente. Les difficultés constructives de la patiente n° 4 peuvent être dues à la lésion pariétale droite, et les troubles de la sensibilité corticale des patientes n° 3 et n° 4 aux lésions pariétales. La dystonie est probablement consécutive aux lésions putaminales chez les patientes n° 2 et n° 5. Enfin, les troubles neuropsychologiques atypiques des patientes n° 3 et n° 4 (hémiasomatognosie avec indistinction droite-gauche et négligence spatiale unilatérale respectivement) peuvent résulter des lésions du cortex pariétal droit. Cependant, certains signes cliniques ne peuvent être expliqués par les lésions vasculaires visualisées en IRM, telles l’apraxie de la patiente n° 1 (le cortex pariétal gauche apparaît intact) et la dystonie de la patiente n° 4. En l’absence de données anatomo-pathologiques, on peut émettre l’hypothèse que certaines patientes présentaient une pathologie dégénérative (MP, MA ou même DCB) dont les manifestations cliniques étaient modifiées par la présence de lésions vasculaires surajoutées. Le caractère progressif de l’évolution de ces patientes évoque d’autant plus une telle affection. Les résultats d’une série clinico-pathologique publiée par Hughes et al. (1992) soulignent la fréquente intrication des éléments dégénératifs et vasculaires chez les patients parkinsoniens, phénomène surtout connu dans le domaine de la démence. Les auteurs décrivent 100 patients avec un diagnostic clinique de MP. Soixante-seize avaient réellement une MP, isolée sur le plan pathologique dans 49 cas seulement et associée à des lésions vasculaires dans 7 cas. Vingt-quatre patients n’avaient pas de MP ; il s’agissait le plus souvent d’une autre maladie neurodégénérative (PSP, atrophie multisystématisée ou MA), mais 3 d’entre eux présentaient une pathologie cérébro-vasculaire isolée. Un début progressif et une aggravation insidieuse sont possibles dans le parkinsonisme vasculaire ainsi que dans la pseudo-PSP vasculaire. Dans les études de Josephs et al. (2002) et Murrow et al. (1990), les éléments anatomopathologiques évocateurs respectivement de PSP et de MP étaient absents chez tous les patients, bien que l’évolution de la maladie se soit toujours avérée lentement progressive. Toutes les observations de patients atteints de pseudo-PSP vasculaire rapportent une évolution progressive (Dubinsky et Jankovic, 1987 ; Murrow et al., 1990 ; Winikates et Jan- 1197 kovic, 1994 ; Van Gerpen et al., 2003), parfois grevée d’un ou de plusieurs épisodes évocateurs d’AVC surajouté (Dubinsky et Jankovic, 1987 ; Murrow et al., 1990 ; Van Gerpen et al., 2003), à l’instar de la patiente n° 4. Certains auteurs ont suggéré des critères cliniques évocateurs de l’origine vasculaire, tels le caractère asymétrique des symptômes et leur prédominance aux membres inférieurs, ou la rapidité d’apparition des chutes (Winikates et Jankovic, 1994 ; Josephs et al., 2002). Une imagerie fonctionnelle cérébrale aurait-elle pu apporter, chez ces patientes, des arguments en faveur d’une affection dégénérative associée aux lésions vasculaires ? Ce type d’examen s’avère très intéressant pour différentier, à l’aide de l’ioflupane par exemple, une maladie de Parkinson d’un tremblement essentiel, d’un syndrome parkinsonien iatrogène, ou de manifestations psychogènes (Marshall et Grosset, 2003 ; Gaig et al., 2006). Lors de la DCB est rapporté un hypométabolisme des transporteurs de la dopamine, présynaptiques (marqués notamment par l’ioflupane, encore appelé (123)I-FP-CIT ou DatScan®), aussi bien que des récepteurs D2, postsynaptiques (marqués par le (18)F-fluorodéoxyglucose et par le (123)I-IBZM) (Klaffke et al., 2006). Les anomalies sont asymétriques et, à la différence de la maladie de Parkinson, on n’observe pas de différence entre le noyau caudé et le putamen (Pirker et al., 2000). Cependant, des anomalies métaboliques striatales ont aussi été identifiées chez de nombreux patients présentant un parkinsonisme vasculaire, avec une présentation extrêmement variable : parfois lacunes circonscrites bien différentes de ce qui est observé au cours des processus dégénératifs (Marshall et Grosset, 2003), dissociation ou non entre marquage pré- et postsynaptique (Plotkin et al., 2005), ratio putamino-caudé normal ou altéré (Plotkin et al., 2005 ; Lorberboym et al., 2004). Surtout, des anomalies ont été observées même en l’absence de lésion striatale visible en IRM (Lorberboym et al., 2004). En conséquence, si l’imagerie fonctionnelle cérébrale peut révéler un profil très caractéristique de DCB, même en dehors de l’atteinte dopaminergique (Kreisler et al., 2005), l’intrication à des lésions vasculaires en rend l’interprétation très difficile. Seules les deux premières patientes ont eu une TEMP cérébrale au 99 mTc-HmPaO. Chez la première patiente, les anomalies du DSC étaient en parfaite corrélation avec les lésions vasculaires mises en évidences par l’IRM. Chez la seconde patiente, les anomalies étaient moins étendues que ce que l’on aurait pu attendre, avec absence de réduction du DSC dans les régions pariétales. Ces données ne sont donc pas en faveur d’une affection dégénérative associée. Enfin, l’évolution après introduction d’un traitement préventif vis-à-vis d’accidents ischémiques cérébraux mérite d’être commentée. La stabilité clinique observée pendant plusieurs années chez la première patiente suite à la prise en charge de sa cryoglobulinémie consolide fortement l’imputabilité des symptômes neurologiques aux seules lésions vasculaires. En revanche, une aggravation rapide malgré l’anti-aggrégation plaquettaire fait évoquer une part dégénérative, notamment chez la patiente n° 4 qui ne présentait A. KREISLER et coll. 1198 Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 12, 1191-1199 pas de facteur de risque vasculaire. La patiente n° 2 ne signalait pas non plus de facteur de risque mais avait présenté une phlébite et une embolie pulmonaire, sans cause identifiée. Cependant, à l’époque à laquelle ces patientes furent prises en charge, les explorations étiologiques proposées devant une ischémie cérébrale n’étaient pas aussi complètes que de nos jours. CONCLUSION Nous avons décrit 5 patientes chez lesquelles les données cliniques étaient évocatrices d’une DCB en première hypothèse, mais qui furent finalement attribuées aux lésions vasculaires cérébrales étendues mises en évidence par l’IRM cérébrale. Nos observations soulignent l’utilité de cet examen dans le diagnostic différentiel des syndromes parkinsoniens dits atypiques. Des manifestations cliniques inhabituelles dans la DCB ont été observées chez certaines de ces patientes, tels un début soudain ou des troubles neuropsychologiques particuliers, qui peuvent aussi servir d’indicateurs d’un autre diagnostic. Les lésions vasculaires n’expliquant pas clairement l’intégralité de la présentation clinique de certaines patientes, l’association à une maladie neurodégénérative se doit d’être discutée. Chez des patients présentant un phénotype de DCB avec confirmation neuropathologique du diagnostic, la coexistence de lésions vasculaires cérébrales a déjà été montrée (Schneider et al., 1993). Des données anatomo-pathologiques auraient été nécessaires chez ces patientes pour répondre à la question : pseudo-DCB vasculaire ou DCB associée à une pathologie cérébro-vasculaire ? REMERCIEMENTS Les auteurs souhaitent vivement remercier le docteur Jean-Yves Gauvrit (Service de Neuroradiologie, Centre Hospitalier Régional et Universitaire, Lille, France) pour l’aide apportée lors de l’interprétation des IRM cérébrales. RÉFÉRENCES ARIMA K, UESUGI H, FUJITA I et al. (1994). Corticonigral degeneration with neuronal achromasia presenting with primary progressive aphasia: ultrastructural and immunocytochemical studies. J Neurol Sci, 127: 186-197. BALLAN G, TISON F, DOUSSET V, VIDAILHET M, AGID Y, HENRY P. (1998). Étude de l’atrophie corticale par imagerie par résonance magnétique dans la dégénérescence cortico-basale. Rev Neurol (Paris), 154 : 224-227. BHATIA KP, LEE MS, RINNE JO, REVESZ T, SCARAVILLI F, DAVIES L, MARSDEN CD. (2000). Corticobasal degeneration look-alikes. In: Litvan I, Goetz CG, Lang AE (eds.), Corticobasal degeneration and related disorders. Philadelphia, Lippincott, Williams and Wilkins; pp. 169-182. BLACK SE. (2000). Aphasia in corticobasal degeneration. In: Litvan I, Goetz CG, Lang AE (eds.), Corticobasal degeneration and related disorders. Philadelphia, Lippincott, Williams and Wilkins ; pp. 169-182. BOEVE BF, MARANAGORE DM, PARISI JE, AHLSKOG JE, GRAFF-RADFORD N, CASELLI RJ, DICKSON DW, KOKMEN E, PETERSEN RC. (1999). Pathologic heterogeneity in clinically diagnosed corticobasal degeneration. Neurology, 53: 795-800. CASELLI RJ, JACK CR, PETERSEN RC, WAHNER HW, YANAGIHARA T. (1992). Asymmetric cortical degenerative syndromes: clinical and radiologic correlations. Neurology, 42: 1462-1468. DUBINSKY RM, JANKOVIC J. (1987). Progressive supranuclear palsy and a multi-infarct state. Neurology, 37: 570-576. FÉNELON G, HOUÉTO JL (1998). Les syndromes parkinsoniens vasculaires : un concept controversé. Rev Neurol (Paris), 154 : 291302. GAIG C, MARTI MJ, TOLOSA E et al. (2006). 123I-Ioflupane SPECT in the diagnosis of suspected psychogenic Parkinsonism. Mov Disord, 21: 1194-1198. GIBB WRG, LUTHERT PJ, MARSDEN CD. (1989). Corticobasal degeneration. Brain, 112: 1171-1192. GIMENEZ-ROLDÁN S, MATEO D, BENITO C, GRANDAS F, PÉREZ-GILABERT Y. (1994). Progressive supranuclear palsy and corticobasal ganglionic degeneration: differentiation by clinical features and neuroimaging techniques. J Neural Transm, 42: 79-90. GRAHAM NL, BAK T, PATTERSON K, HODGES JR (2003). Language function and dysfunction in corticobasal degeneration. Neurology, 61: 493-499. GRIMES DA, LANG AE, BERGERON CB. (1999). Dementia as the most common presentation of cortical-basal ganglionic degeneration. Neurology, 53: 1969-1974. GRISOLI M, FETONI V, SAVOIARDO M, GIROTTI F, BRUZZONE MG. (1995). MRI in corticobasal degeneration. Eur J Neurol, 53: 1969-1974. HUGHES AJ, DANIEL SE, KILFORD L, LEES AJ. (1992). Accuracy of clinical diagnosis of idiopathic Parkinson’s disease: a clinicopathological study of 100 cases. J Neurol Neurosurg Psychiatry, 55: 181-184. IKEDA K, KAKIGI R, FUNAI N, NESHIGE R, KURODA Y, SHIBASAKI H. (1990). Cortical tremor: a variant of cortical myoclonus. Neurology, 40: 1561-1565. IKEDA K, AKIYAMA H, IRITANI S et al. (1996). Corticobasal degeneration with primary progressive aphasia and accentuated cortical lesion in superior temporal gyrus: case report and review. Acta Neuropathol, 92: 534-539. JOSEPHS KA, ISHIZAWA T, TSUBOI Y, COOKSON N, DICKSON DW. (2002). A clinicopathological study of vascular progressive supranuclear palsy: multi-infarct disorder presenting as progressive supranuclear palsy. Arch Neurol, 59: 1597-1601. KLAFFKE S, KUHN AA, PLOTKIN M et al. (2006). Dopamine transporters, D2 receptors, and glucose metabolism in corticobasal degeneration. Mov Disord, 21: 1724-1727. KOMPOLITI K, GOETZ CG, BOEVE BF et al. (1998). Clinical presentation and pharmacological therapy in corticobasal degeneration. Arch Neurol, 55: 957-961. KREISLER A, DEFEBVRE L, LECOUFFE L et al. (2005). Corticobasal degeneration and Parkinson’s disease assessed by HmPaOSPECT: the utility of factorial discriminant analysis. Mov Disord, 20: 1431-1438. KUMAR R, BERGERON C, POLLANEN MS, LANG AE. (1998). Corticalbasal ganglionic degeneration. In: Jankovic J, Tolosa E (eds.), Parkinson’s disease and Movements Disorders, 3rd. Baltimore, Williams and Wilkins ; pp. 297-316. LANG AE, RILEY DE, BERGERON C. (1994). Cortical-basal ganglionic degeneration. In: Calne DB (ed.), Neurodegenerative diseases. Philadelphia, WB Saunders; pp. 877-894. LEIGUARDA R, LEES AJ, MERELLO M, STARKSTEIN S, MARSDEN CD. (1994). The nature of apraxia in corticobasal degeneration. J Neurol Neurosurg Psychiatry, 57: 455-459. LITVAN I, AGID Y, GOETZ CG et al. (1997). Accuracy of the clinical diagnosis of corticobasal degeneration: a clinicopathologic study. Neurology, 48: 119-125. A. KREISLER et coll. © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Mémoire • Infarctus cérébraux multiples se présentant comme une dégénérescence cortico-basale LORBERBOYM M, DJALDETTI R, MELAMED E et al. (2004). (123I)-FPCIT SPECT imaging of dopamine transporters in patients with cerebrovascular disease and clinical diagnosis of vascular parkinsonism. J Nucl Med, 45: 1688-1693. MARSHALL V, GROSSET D. (2003). Role of dopamine transporter imaging in routine clinical practice. Mov Disord, 18: 1415-1423. MENDEZ MF (2000). Corticobasal ganglionic degeneration with Balint’s syndrome. J Neuropsych Clin Neurosci, 12: 273-275. MURROW RW, SCHWEIGER GD, KEPES JJ, KOLLER WC. (1990). Parkinsonism due to basal ganglia lacunar state: clinicopathologic correlation. Neurology, 40: 897-900. OKUDA B, KODAMA N, TACHIBANA H, SUGITA M. (2000). Visuomotor ataxia in corticobasal degeneration. Mov Disord, 15: 337-339. PEIGNEUX P, SALMON E, GARRAUX G et al. (2001). Neural and cognitive bases of upper limb apraxia in corticobasal degeneration. Neurology, 57: 1159-1168. PILLON B, BLIN J, VIDAILHET M, DEWEER B, SIRIGU A, DUBOIS B, AGID Y. (1995). The neuropsychological pattern of corticobasal degeneration. Comparison with progressive supranuclear palsy and Alzheimer’s disease. Neurology, 45: 1477-1483. PIRKER W, ASSENBAUM S, BENCSITS S et al. (2000). (123I)B-CIT SPECT in multiple system atrophy, progressive supranuclear palsy and corticobasal degeneration. Mov Disord, 15: 11581167. PLOTKIN M, AMTHAUER H, QUILL S et al. (2005). Imaging of dopamine transporters and D2 receptors in vascular parkinsonism: a report of four cases. J Neural Transm, 112: 1355-1361. REBEIZ JJ, KOLODNY EH, RICHARDSON EP (1967). Corticodentatonigral degeneration with neuronal achromasia: a progressive disorder of late adult life. Trans Am Neurol Assoc, 92: 23-26. REY GJ, TOMER R, LEVIN BE, SANCHEZ-RAMOS J, BOWEN B, BRUCE JH. (1995). Psychiatric symptoms, atypical dementia, and left visual field inattention in corticobasal ganglionic degeneration. Mov Disord, 10: 106-110. 1199 RILEY DE, LANG AE, LEWIS A, RESCH L, ASHBY P, HORNYKIEWICZ O, BLACK S. (1990). Cortical-basal ganglionic degeneration. Neurology, 40: 1203-1212. RINNE JO, LEE MS, THOMPSON PD, MARSDEN CD. (1994). Corticobasal degeneration. A clinical study of 36 cases. Brain, 117: 1183-1196. SAVOIARDO M, GRISOLI M, GIROTTI F. (2000). Magnetic resonance imaging in CBD, related atypical parkinsonian disorders, and dementias. Adv Neurol, 82: 197-208. SCHNEIDER JA, WATTS RL, GEARING M, BREWER RP, MIRRA SS. (1993). Corticobasal degeneration: neuropathologic and clinical heterogeneity. Neurology, 48: 959-969. SIBON I, FÉNELON G, QUINN NP, TISON F. (2004). Vascular parkinsonism. J Neurol, 251: 513-524. SOLIVERI P, MONZA D, PARIDI D et al. (1999). Cognitive and magnetic resonance imaging aspects of corticobasal degeneration and progressive supranuclear palsy. Neurology, 53: 502-507. TOKUMARU AM, O’UCHI T, KURU Y, MAKI T, MURAYAMA S, HORICHI Y. (1996). Corticobasal degeneration: MR with histopathologic comparison. Am J Neuroradiol, 17: 1849-1852. VAN GERPEN JA, AHLSKOG JE, PETTY GW. (2003). Progressive supranuclear palsy phenotype secondary to CADASIL. Parkinsonism Relat D, 9: 367-369. WENNING GK, LITVAN I, JANKOVIC J et al. (1998). Natural history and survival of 14 patients with corticobasal degeneration confirmed at postmortem examination. J Neurol Neurosurg Psychiatry, 64: 184-189. WINKELMANN J, AUER DP, LECHNER C, ELBEL G, TRENKWALDER C. (1999). Magnetic resonance imaging findings in corticobasal degeneration. Mov Disord, 14: 669-673. WINIKATES J, JANKOVIC J. (1994). Vascular progressive supranuclear palsy. J Neural Transm Suppl, 42: 189-201. YEKHLEF F, BALLAN G, MACIA F, DELMER O, SOURGEN C, TISON F. (2003). Routine MRI for the differential diagnosis of Parkinson’s disease, MSA, PSP, and CBD. J Neural Transm, 110: 151-169. A. KREISLER et coll.