Fait clinique

Reçu le :
23 mai 2007
Accepté le :
6 avril 2008
Disponible en ligne
27 mai 2008

Disponible en ligne sur

Syndrome de Moyamoya et trisomie 21 :
à propos de 2 cas
Moyamoya and Down syndrome: About 2 cases
L. Sfaihi ben Mansour1,*, A. Ayedi1, W. Chaari1, H. Aloulou1, T. Kammoun1,
Z. Mnif2, A. Mahfoudh1, C. Triki3, M. Hachicha1
1

Service de pédiatrie, CHU Hedi Chaker, 3029 Sfax, Tunisie
Service de radiologie, CHU Habib-Bourguiba, Sfax, Tunisie
3
Service de neurologie, CHU Habib-Bourguiba, Sfax, Tunisie
2

www.sciencedirect.com
Summary

Résumé

Moyamoya syndrome has rarely been reported in association with
Down syndrome. We report on 2 cases in 3-year-old and 6-year-old
female children with Down syndrome, who presented with neurological deficit. Imaging (magnetic-resonance angiography and digital-subtraction angiography) revealed the classical Moyamoya
pattern. The neurological deficits persisted in both cases. One
patient has developed epilepsy.
ß 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Le syndrome de Moyamoya est rare. La forme primaire de ce syndrome
doit être distinguée de la forme secondaire, qui peut être associée à
certaines affections, telles que la neurofibromatose, l’homocystinurie
et la trisomie 21. Cette dernière association, bien que rare dans la
littérature, n’est pas fortuite. Nous rapportons l’observation de 2 filles
atteintes de trisomie 21 ayant présenté un déficit moteur à l’âge de
6 ans et 3 ans. L’imagerie cérébrale initiale montrait de multiples
accidents vasculaires cérébraux ischémiques. Le diagnostic de syndrome de Moyamoya a été confirmé par l’artériographie, qui montrait
une oblitération proximale de la carotide interne avec des signes de
circulations collatérales dans les 2 cas. Les 2 enfants ont été traités
par un antiagrégant plaquettaire. L’évolution a été marquée par la
persistance du déficit moteur et d’un retard du langage dans 1 cas et
par l’apparition d’une épilepsie dans le 2e cas.
ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Moyamoya, Trisomie 21, Enfant

1. Introduction
La maladie de Moyamoya, ou maladie occlusive des vaisseaux
intracrâniens, est une affection rare, définie à l’angiographie
par une sténose progressive et bilatérale de la terminaison
carotidienne, s’étendant plus au moins vers les artères cérébrales moyenne et postérieure, associée à une circulation de
suppléance dans la région des noyaux-gris centraux, à partir
des artères perforantes et choroı̈diennes. La forme idiopathique ou primaire de ce syndrome, qui peut être familiale,
doit être distinguée des formes secondaires associées à cer-

taines maladies systémiques, telles que la neurofibromatose,
l’irradiation, l’homocystinurie et la trisomie 21.
Cette dernière association, bien que rare dans la littérature,
n’est pas fortuite. La physiopathologie de cette association
est encore mal élucidée et le mécanisme de l’obstruction
vasculaire dans la trisomie 21 avec syndrome de Moyamoya
est non connu. Nous rapportons 2 observations de maladie
Moyamoya avec trisomie 21.

2. Observations
2.1. Observation 1

* Auteur correspondant.
e-mail : lamia_benmansour@yahoo.fr

Cette enfant, de sexe féminin, était issue d’une grossesse
normale, avec accouchement à terme par voie basse. Elle
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0929-693X/$ - see front matter ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
10.1016/j.arcped.2008.04.005 Archives de Pédiatrie 2008;15:1197-1200

L. Sfaihi ben Mansour et al.

était suivie pour trisomie 21 avec retard psychomoteur. Un
épisode de « lourdeur » du membre supérieur droit avait été
noté à l’âge de 5 ans, qui avait régressé spontanément en
quelques minutes. La patiente était admise à l’âge de 6 ans
pour une hémiplégie droite d’apparition brutale. À l’examen
neurologique, l’enfant était consciente, avec une hémiplégie,
une paralysie faciale droite et une aphasie. L’IRM cérébrale a
montré un aspect en faveur d’une ischémie récente au
niveau du territoire sylvien superficiel et pariétal gauche,
avec une atrophie corticale et sous-corticale sus-tentorielle
et des petites lésions ischémiques au niveau de la substance
blanche des centres semi-ovales (fig. 1). L’artériographie
cérébrale a montré une oblitération proximale de la carotide
interne avec des signes de circulation collatérale, évoquant le
syndrome de Moyamoya (fig. 2). L’échographie cardiaque et
celle des vaisseaux du cou étaient normales. Le dosage de
l’antithrombine III, des protéines C et S était normal. L’enfant
était traité par antiagrégant plaquettaire (AspégicW) et
Tri BW. Par la suite, le déficit moteur persistait ainsi que
des troubles du langage. On n’a pas noté pas de récidive, avec
un recul de 5 ans.

2.2. Observation 2
Une enfant de sexe féminin, suivie pour trisomie 21 avec
retard psychomoteur, était admise à l’âge de 3 ans pour une
hémiparésie d’installation brutale. À l’admission, l’enfant

Figure 1. IRM cérébrale, séquence pondérée T1 (observation 1) : hyposignal
dans le territoire de l’artère sylvienne superficielle gauche.

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Archives de Pédiatrie 2008;15:1197-1200

Figure 2. Artériographie cérébrale (observation 1) : oblitération proximale
des carotides avec signes de circulation collatérale évoquant une
maladie de Moyamoya.

était apyrétique, consciente et l’examen a confirmé une
hémiparésie droite. Le scanner cérébral a montré des hypodensités ischémiques multiples et bilatérales de nature
séquellaire (fig. 3). L’artériographie cérébrale a montré une
oblitération de la terminaison du siphon carotidien, avec un
important réseau de suppléance à partir des branches carotidiennes externes et d’un réseau capillaire autour du siphon
carotidien, évocateurs du syndrome de Moyamoya. L’IRM,
réalisée 2 ans plus tard devant l’apparition d’une épilepsie
résistante au traitement, montrait une atrophie corticale et
sous-corticale importante avec de multiples lésions ischémi-

Figure 3. Scanner cérébral (observation 2) : des hypodensités
ischémiques multiples et bilatérales.

Syndrome de Moyamoya et trisomie 21 : à propos de deux cas

Figure 4. IRM après 2 ans d’évolution (observation 2) : présence d’une
atrophie cortico–sous-corticale importante avec multiples lésions
ischémiques et une leucodystrophie.

ques et une leucodystrophie secondaire (fig. 4). La mesure de
la vitesse de conduction nerveuse a montré des signes
électriques d’atteinte neurogène, avec démyélinisation périphérique. Les potentiels évoqués auditifs étaient modérément perturbés, témoignant de troubles de maturation des
voies sensitives centrales.
L’enfant était traitée par héparine et phénobarbital. L’évolution a été marquée par la persistance d’une hypotonie
généralisée avec déficit du membre supérieur droit, d’un
syndrome cérébelleux et d’une épilepsie rebelle sous Valproate de sodium et carbamazépine.

3. Discussion
La maladie de Moyamoya est une artériopathie cérébrale
occlusive, responsable d’accidents ischémiques chez l’enfant.
Elle est définie à l’angiographie par une sténose progressive
et bilatérale (parfois unilatérale au début) de la terminaison
carotidienne, s’étendant plus au moins vers les artères cérébrales moyennes et antérieures, associée à une circulation de
suppléance dans la région des noyaux-gris centraux, à partir
des artères perforantes et choroı̈diennes. Ce réseau s’étend,
puis disparaı̂t à un stade tardif [1–3].
Cette affection est surtout rencontrée en Asie (Japon et
Corée). Elle est exceptionnelle chez les caucasiens. Sa prévalence est estimée à 0,1 pour 100 000 habitants au Japon
[4]. La prédominance est féminine, avec une sexe-ratio de 1,8
[5]. Dans une série pédiatrique de 31 cas d’accidents vascu-

laires cérébraux ischémiques, Ben Mansour [5] a rapporté 6
cas de Moyamoya (19,3 %), tous de sexe féminin. Ce syndrome survient avec 2 pics de fréquence : le 1er dans la 1re
décade de la vie, avec surtout des accidents ischémiques et le
2e dans la 4e décade, avec surtout des manifestations hémorragiques [6]. La maladie de Moyamoya peut être primitive ou
secondaire à une athérosclérose, une méningite, une maladie auto-immune, des séquelles d’irradiation cérébrale, une
maladie de Recklinghausen, un lupus érythémateux disséminé, une anémie de Fanconi, une dysplasie fibromusculaire
ou une trisomie 21 [1,7–9].
L’incidence du syndrome de Moyamoya chez les enfants
trisomiques est presque 3 fois plus importante que dans
la population générale [10]. En effet, un enfant trisomique
est généralement plus prédisposé aux accidents vasculaires
(coronarien, rétinien, cérébral. . .) [10–13]. Cette association,
bien que rare (47 cas ont été rapportés dans la littérature),
n’est pas fortuite [14].
Le mécanisme exact de l’occlusion vasculaire dans la
trisomie 21, avec la maladie de Moyamoya n’est pas connu
et plusieurs hypothèses ont été proposées [14]. Elle est
probablement due à une dysplasie vasculaire congénitale.
Une contribution génétique a été rapportée : en effet,
certaines protéines codées au niveau du chromosome 21
(superoxyde dismutase 1, cyctathionine b-synthase et collagéne type 4 et le récepteur gamma d’interféron) affectent la
physiologie artérielle et peuvent être impliquées dans le
rétrécissement des artères cérébrales [10]. L’auto-immunité
a été également rapportée comme un mécanisme possible
[10,15]. La présence d’anticorps antiphospholipides, qui peuvent donner des thromboses artérielles et d’anticorps antimicrosomes thyroı̈diens, a été rapportée chez un patient
présentant une trisomie 21 et un syndrome de Moyamoya
[14]. La possibilité d’une déficience de la protéine C, responsable des accidents thromboemboliques, a été proposée par
Gururaj et al. dans un cas [12].
L’âge moyen de révélation de l’association syndrome de
Moyamoya et trisomie 21 est de 6 ans [8]. L’hémiplégie et
l’aphasie sont les signes d’appel les plus fréquents. Ces
patients peuvent présenter également des troubles sensoriels, des mouvements involontaires, des céphalées et des
troubles cognitifs [10,11,13,15]. Les infarctus sont toujours
distribués dans les régions corticales et sous-corticales vascularisées par l’artère cérébrale moyenne antérieure et postérieure et moins fréquemment dans le ganglion basale, le
thalamus et dans le territoire de l’artère cérébrale antérieure
[12]. Une étude de 7 enfants, réalisée par Cramer et al. [6], a
montré que tous les malades avaient présenté des infarctus
cérébraux multiples bilatéraux, même chez les enfants ne
1199

L. Sfaihi ben Mansour et al.

présentant qu’une hémiparésie. Fukuyama et al. [16] ont
rapporté 19 patients avec cette association. Un seul patient
âgé, de 27 ans, avait présenté une hémorragie cérébrale. Un
enfant s’était présenté avec une chorée. Les 17 autres
enfants, âgés de 21 mois à 15 ans, avaient présenté plusieurs
épisodes d’accidents ischémiques transitoires.
Le pronostic de cette association est sévère : selon les études,
50 à 90 % des cas présentent, à un moment de l’évolution, un
déficit neurologique dû à la répétition des accidents ischémiques et dans 3 à 11 % des cas, l’évolution est fatale [17–19].
L’une de nos patientes a présenté une leucodystrophie. Cette
triple association Moyamoya, trisomie 21 et leucodystrophie
n’a jamais été décrite dans la littérature. En revanche, certains auteurs ont rapporté des cas de leucodystrophie secondaire à une souffrance cérébrale, par déficit en arylsulfatase
[20]. Malheureusement, le dosage de l’activité de cette
enzyme n’a pas été réalisé chez notre patiente.
La prise en charge associe un traitement médical et un volet
chirurgical. L’aspirine à faible dose est actuellement utilisée
chez les patients avec une perfusion du réseau normal.
Plusieurs techniques chirurgicales de revascularisation
directe et indirecte ont été décrites pour augmenter le débit
sanguin cérébral, en favorisant la circulation collatérale.
L’indication chirurgicale doit être discutée assez rapidement
dans les 3 mois après le début des symptômes, car une
intervention précoce peut rapidement améliorer l’état du
patient et prévenir une récidive ischémique [1,2,14].

4. Conclusion
La maladie de Moyamoya est une cause rare d’accident vasculaire cérébral ischémique chez l’enfant. L’association avec la
trisomie 21 est rare, mais n’est pas fortuite. Le diagnostic est
généralement facilité par l’angiographie et l’imagerie par
résonance magnétique. Le pronostic est généralement sombre, mais peut être amélioré par un diagnostic précoce et une
prise en charge neurochirurgicale rapide et adéquate.

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