revue neurologique 165 (2009) 189–193 Brève communication Épilepsie myoclonique juvénile chez une patiente atteinte d’hémiplégie infantile Juvenile myoclonic epilepsy in a patient with history of infantile hemiplegia A. Crespel a,b,*, P. Genton c, P. Coubes a,b, P. Gélisse a,b a Unité médicochirurgicale de l’épilepsie, Montpellier, France Unité de recherche sur les mouvements de l’enfant, CNRS UMR5203–Inserm U661–UM1, département de neurobiologie, institut de génomique fonctionnelle, Montpellier, France c Centre Saint-Paul–hôpital Henri-Gastaut, Marseille, France b info article r é s u m é Historique de l’article : Introduction. – La classification internationale des épilepsies et syndromes épileptiques de Reçu le 14 mars 2008 1989 retient, dans la définition d’une épilepsie idiopathique, un développement intellectuel Reçu sous la forme révisée le et neurologique normal. 15 avril 2008 Observation. – Nous rapportons le cas d’une patiente avec une épilepsie myoclonique Accepté le 6 juin 2008 juvénile (EMJ) atteinte d’hémiplégie infantile. À l’adolescence, elle présenta deux crises Disponible sur Internet le généralisées tonicocloniques suivies, quelques temps après, par quelques crises avec 17 juillet 2008 rupture de contact interprétées à tort comme des crises partielles complexes. Le scanner cérébral révéla les séquelles d’un infarctus rolandique gauche et un mauvais diagnostic Mots clés : d’épilepsie partielle fut retenu. À 20 ans, lorsque la patiente nous fut adressée, une bouffée Épilepsie myoclonique juvénile de pointes ondes généralisées à trois cycles par seconde fut enregistrée au réveil. La Neuroradiologie stimulation lumineuse intermittente et une épreuve de photosenbilité à la télévision Hémiplégie infantile provoquèrent une réponse photoparoxystique associée à des secousses myocloniques. Cela rappela à la patiente qu’elle avait des secousses lorsqu’elle passait en voiture sur des routes Keywords: bordées d’arbres. Le diagnostic d’EMJ fut retenu. Juvenile myoclonic epilepsy Conclusion. – Cette observation souligne que les patients qui ont une prédisposition géné- Neuroradiology tique pour une EMJ ont un risque égal à la population générale d’avoir des lésions Infantile hemiplegia cérébrales. Un mauvais diagnostic d’épilepsie focale peut être lourd de conséquence chez ces patients, car certains médicaments antiépileptiques inappropriés peuvent aggraver cette épilepsie. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. * Auteur correspondant. Explorations neurologiques et épileptologie, hôpital Gui-de-Chauliac, 80, avenue Fliche, 34295 Montpellier cedex 05, France. Adresse e-mail : a-crespel@chu-montpellier.fr (A. Crespel). 0035-3787/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.neurol.2008.06.004 190 revue neurologique 165 (2009) 189–193 abstract Introduction. – The 1989 International Classification of Epilepsies and Related Syndromes considers normal cognitive, neurologic and anatomic findings to be prerequisites for the diagnosis of idiopathic forms of epilepsy. Case report. – We report the case of a woman with juvenile myoclonic epilepsy (JME) and a history of infantile hemiplegia. When she was a teenager, she had two generalized tonicclonic seizures, later followed by a few seizures with loss of consciousness misinterpreted as complex partial seizures. Physical examination revealed right hemiparesis. A CT scan documented a left rolandic infarction and a wrong diagnosis of focal epilepsy was made. At 20 years, a nap video-EEG was performed. A burst of generalized spike-waves was recorded on awakening. Photic stimulation and watching a Japanese cartoon on television disclosed a marked photoparoxysmal response associated with myoclonic jerks. Myoclonic jerks were in fact known by the patients but unreported. She had jerks on roads with trees due to shade/sunlight alternance. A diagnosis of JME was made. Conclusion. – This observation illustrates that patients’ situation with a presumed genetic predisposition for JME are at equal risk for brain lesions as others subjects. Misdiagnosis of focal epilepsy may have dramatic consequences in patient with JME, as some patients will be aggravated by inadequate antiepileptic drugs. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 1. Introduction Il est retenu dans la classification des épilepsies et des syndromes épileptiques de 1989 qu’un examen neurologique et un développement intellectuel normal sont des critères de diagnostic des épilepsies généralisées idiopathiques (EGI) (Commission on Classification and Terminology of the ILAE, 1989). Cependant, on peut observer ce type d’épilepsie chez des sujets avec un antécédent neurologique comme des lésions anténatales au sens large ou un traumatisme. Nous présentons l’observation d’une patiente avec une hémiplégie infantile congénitale qui développa une épilepsie à l’adolescence interprétée à tort comme une épilepsie partielle. 2. Observation 2.1. Cas 07/E547 Une jeune femme de 20 ans avec un antécédent d’accident vasculaire cérébral anténatal avec parésie et hypotrophie du membre supérieur droit séquellaires avait un développement intellectuel et effectuait des études de droit afin d’être magistrate. À l’adolescence, elle avait présenté deux crises d’épilepsie généralisées tonicocloniques dont une en regardant la télévision (tube cathodique). Le scanner cérébral retrouvait les séquelles de l’accident vasculaire anténatal avec une hypodensité de la région rolandique gauche (Fig. 1). L’EEG de veille montrait quelques anomalies lentes thêta en central gauche. Compte tenu de ces éléments, un diagnostic d’épilepsie partielle fut porté et la patiente fut mise sous oxcarbazépine (300 mg/j). Elle présenta ensuite des ruptures du contact isolées brèves qui correspondaient à des absences typiques mais qui ont été interprétées comme des crises partielles complexes. Puis la patiente n’a plus présenté de crise. Dans le cadre du suivi de cette épilepsie, à l’âge de 20 ans, un électroencéphalogramme (EEG) avec sommeil de sieste fut effectué ; il retrouvait en veille quelques ondes lentes latéralisées en relation avec la cicatrice de l’accident vasculaire, mais aussi quelques ébauches de pointes ondes diffuses à l’hyperventilation. Au réveil, une bouffée de pointes ondes généralisées à trois cycles par seconde fut enregistrée (Fig. 2) ainsi qu’une réponse photoparoxystique à la stimulation lumineuse intermittente et à la télévision accompagnée de secousses myocloniques (Fig. 3 et 4). La SLI et la télévision rappelèrent à la patiente ce qu’elle pouvait ressentir lorsqu’elle passait en voiture le long d’une route bordée de platanes. Elle avait en effet des secousses myocloniques dont elle n’avait jamais parlé. Fig. 1 – Scanner cérébral mettant en évidence une hypodensité au niveau de la région rolandique gauche correspondant à la séquelle de l’accident vasculaire cérébrale anténatal. CT scan: left rolandic infarction sequelar to an antenatal vascular event. revue neurologique 165 (2009) 189–193 191 Fig. 2 – Enregistrement en 15 mm/s ; 10 mV/mm. Montage 10/20 avec ligne temporale basse (TA1, T1, TA2, T2) et polygraphie musculaire (deltoı̈des droit et gauche). La patiente vient de se réveiller d’un sommeil de sieste. On enregistre une bouffée de pointes ondes généralisées à 3 cycles par seconde. Recording at en 15 mm/s; 10 mV/mm. International 10–20 electrode system with supplementary anterior/inferior temporal electrodes (TA1, T1, TA2, T2); right deltoid; left deltoid. Upon awakening. The EEG changes are activated with a burst of 3 Hz generalized spike-waves. Fig. 3 – Enregistrement en 15 mm/s ; 10 mV/mm. Montage 10/20 avec ligne temporale basse et polygraphie musculaire (deltoı̈des droit et gauche). Stimulation lumineuse intermittente effectuée au réveil de la sieste. À 15 Hz, réponse photoparoxystique avec une bouffée de pointes ondes rapides généralisées s’accompagnant cliniquement de deux secousses myocloniques recueillies sur les dérivations deltoı̈des. Recording at en 15 mm/s; 10 mV/mm. International 10–20 electrode system with supplementary anterior/inferior temporal electrodes (TA1, T1, TA2, T2); right deltoid; left deltoid. Intermittent light stimulation performed at awakening form an afternoon nap. The flash rate is at 15 Hz. There is a discharge of polyspike-waves with two myoclonic jerks. 192 revue neurologique 165 (2009) 189–193 Fig. 4 – Enregistrement en 15 mm/s ; 10 mV/mm. Montage 10/20 avec ligne temporale basse et polygraphie musculaire (deltoı̈des droit et gauche). Montage longitudinal. La patiente est placée devant un écran de télévision à tube cathodique et regarde un dessin animé japonais des années 1995. Il existe une bouffée de polypointes ondes généralisées s’accompagnant d’une secousse myoclonique sur les deux muscles deltoı̈des. Recording at 15 mm/s; 10 mV/mm. International 10–20 electrode system with supplementary anterior/inferior temporal electrodes (TA1, T1, TA2, T2); right deltoid; left deltoid. Watching a Japanese cartoon on television triggers a discharge polyspikes waves associated with myoclonic jerks. 3. Discussion La reprise de l’interrogatoire et l’enregistrement EEG ont permis de rectifier le diagnostic d’épilepsie partielle symptomatique d’un accident vasculaire cérébral anténatal pour celui d’épilepsie myoclonique juvénile (EMJ). Cette observation souligne l’importance d’un interrogatoire minutieux face à une épilepsie et la nécessité de réunir l’ensemble des éléments historiques, cliniques, EEG et radiologiques afin d’effectuer un classement syndromique. Ainsi, cette patiente avec un antécédent d’accident vasculaire anténatal sans autre déficit neurologique a débuté une épilepsie à l’adolescence par deux crises tonicocloniques généralisées dont une devant une télévision à tube cathodique ; ce qui peut traduire une photosensibilité et donc la possibilité d’une EGI. La recherche de myoclonies et d’absences doit être systématique dans ce contexte. Les patients peuvent verbaliser les myoclonies par un « frisson », des « secousses », un « courant d’électricité » ou une maladresse matinale. Les absences typiques peuvent être verbalisées comme des « trous blancs », des « trous noirs », des « bugs » dans une conversation. Pour ne rien oublier dans l’interrogatoire d’un patient ayant présenté une crise d’épilepsie, le clinicien peut utiliser la version française du questionnaire SISC qui a été mise en place dans le cadre d’une étude de prévalence française des épilepsies en population générale (Picot et al., 1999 ; Picot et al., 2008). Chez cette patiente, l’interrogatoire initial aurait dû être plus minutieux ; les myoclonies existaient et il aurait fallu se donner les moyens de prouver cette hypothèse d’EGI avec un EEG de sommeil de sieste après une légère privation de sommeil la veille, de faire dormir, puis de réveiller le sujet et de lui faire les méthodes d’activation hyperpnée et SLI avant l’endormissement et au réveil en enregistrant l’EEG au moins 30 minutes après le réveil (Crespel et Gelisse, 2005). En effet, dans l’EMJ, les anomalies sont augmentées lors du sommeil lent et sont particulièrement activées par le réveil (Thomas et al., 2005 ; Crespel et al., 2006). De plus, le diagnostic de crise partielle complexe était illogique, compte tenu de la localisation de la lésion cérébrale. Les crises de la région centrale sont habituellement responsables d’une sémiologie motrice sans rupture de contact (crise tonique et/ou clonique d’un membre). Cette observation souligne qu’une épilepsie idiopathique peut survenir chez des sujets ayant des antécédents neurologiques. En effet, ces sujets ont le même risque que la population générale de développer une EGI. La lésion cérébrale est alors une coı̈ncidence (Gelisse et al., 1999 ; Gelisse et al., 2000a ; Gelisse et al., 2000b ; Gelisse et al., 2003 ; Boxerman et al., 2007). Un diagnostic d’EMJ a été posé et a permis de donner à la patiente un pronostic. En effet, il s’agit d’une épilepsie qui dans plus de 80 % des cas est pharmacosensible mais pharmacodépendante, car elle n’a pas de tendance spontanée à la guérison (Genton et Gelisse, 2003). Les EGI, dont l’EMJ, doivent bénéficier de médicaments antiépileptiques à large spectre qui peuvent être prescrits à de faibles doses (De Toffol et Autret, 1996). Les thérapeutiques à spectre étroit comme la carbamazépine, le vigabatrin aggra- revue neurologique 165 (2009) 189–193 vent régulièrement ces épilepsies (Genton et al., 2000) et les transforment en de véritables épilepsies pharmacorésistantes avec la possibilité d’états de mal épileptiques (Thomas et al., 2006 ; Genton et al., 2008). La phénytoine est moins délétère (Genton et al., 2000). La lamotrigine a été rendue également responsable d’une aggravation portant essentiellement sur les myoclonies (Biraben et al., 2001 ; Crespel et al., 2005 ; Maiga et al., 2006). L’oxcarbazépine n’est pas un traitement recommandé des épilepsies généralisées idiopathiques (Gelisse et al., 2004). Cependant, chez cette patiente, elle a été maintenue à faible dose, compte tenu de l’absence de crise lors de sa prise en charge. L’aggravation d’une épilepsie par des médicaments inappropriés n’est pas un phénomène constant. Dans l’étude de Genton et al. (2000) portant sur l’EMJ, la carbamazépine a été rendue responsable d’une aggravation dans 68 % des cas ; mais chez 14 % des sujets, il y avait eu une amélioration de l’épilepsie lorsqu’elle avait été prescrite en association au valproate ou au phénobarbital. Bien entendu chez cette patiente, l’oxcarbazépine sera subtituée si les crises réapparaissent (myoclonies invalidantes, absences ou crises tonicoclonique généralisées). 4. Conclusion Cette observation souligne qu’un diagnostic d’épilepsie répond à un ensemble de critères cliniques et électroencéphalographiques précis sans qu’un élément prenne le pas sur les autres. Un sujet avec un antécédent neurologique peut développer une épilepsie idiopathique d’évolution bénigne. Enfin, il faut se donner les moyens de faire un interrogatoire minutieux et d’effectuer un EEG de qualité afin de poser le diagnostic correct. r é f é r e n c e s Boxerman JL, Hawash K, Bali B, Clarke T, Rogg J, Pal DK. 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