revue neurologique 167 (2011) 260–263 Brève communication Actinomycose cérébrale d’aspect pseudotumoral : à propos d’un cas Cerebral actinomycosis pseudotumor: A case report R. Battikh a,*, F. M’Sadek a, F. Bougrine b, W. Madhi a, N. Ben Abdelhafidh a, A. Bouziani b, M. Yedeas c, S. Othmani a a Service de médecine interne, hôpital militaire principal d’instruction de Tunis, Montfleury 1008, Tunisie Service d’anatomopathologie, hôpital militaire principal d’instruction de Tunis, Tunis, Tunisie c Service de neurochirurgie, hôpital militaire principal d’instruction de Tunis, Tunis, Tunisie b info article r é s u m é Historique de l’article : Introduction. – L’actinomycose cérébrale est rare et de diagnostic difficile. Reçu le 4 avril 2010 Observation. – Nous rapportons le cas d’un patient âgé de 45 ans, VIH négatif, hospitalisé Reçu sous la forme révisée le pour des convulsions associées à une hémiparésie gauche et à une fièvre. La tomodensi- 23 juin 2010 tométrie cérébrale a objectivé des lésions nodulaires occipitales, hyperdenses, prenant le Accepté le 20 juillet 2010 contraste de façon annulaire avec un œdème péri-lésionnel, évocatrices de métastases Disponible sur Internet le cérébrales. Le diagnostic d’actinomycose cérébrale a été porté par l’étude anatomopatho- 4 novembre 2010 logique de la pièce opératoire. La recherche d’une porte d’entrée a permis d’objectiver des granulomes dentaires. Le patient a gardé une hémiparésie séquellaire après 12 mois d’anti- Mots clés : biothérapie associée aux soins dentaires et à une corticothérapie de courte durée. Actinomyces Conclusion. – L’actinomycose doit être évoquée devant toute lésion cérébrale chez un Cerveau patient ayant une porte d’entrée dentaire. L’antibiothérapie seule est généralement suffi- Histologie sante et la chirurgie est réalisée souvent dans un but diagnostique. # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Keywords: Actinomyces Brain abstract Histology Introduction. – Cerebral actinomycosis is rare and difficult to diagnose. Case report. – We report a case of a 45-year-old men hospitalized for seizures associated with fever and left hemiparesis. The white cell count and C-reactive protein were elevated. HIV serology was negative. Blood cultures remained sterile. The CT scan revealed hyperdense nodular lesions in the occipital area, with annular contrast uptake and peripheral edema causing a mass effect, suggestive of brain metastasis. The pathology examination of a surgical specimen disclosed cerebral actinomycosis. A dental origin of the infection was suspected. Hemiparesis remained after a 12-month antibiotic regimen associated with dental care and short-term corticosteroid therapy. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : battikh_riadh@yahoo.fr (R. Battikh). 0035-3787/$ – see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.neurol.2010.07.034 revue neurologique 167 (2011) 260–263 261 Conclusion. – Actinomycosis should be discussed as a possible diagnosis for all cerebral lesions, particularly in patients with a potential dental infection. Histology is required for positive diagnosis. Antibiotic therapy alone is generally sufficient; surgery is often performed for diagnostic purposes. # 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. 1. Introduction La localisation cérébrale de l’actinomycose est rare, de pronostic sévère et de diagnostic difficile. Pour toutes ces raisons, il nous a semblé intéressant de rapporter l’observation d’une actinomycose cérébrale d’aspect pseudo tumoral survenant chez un adulte immunocompétent. 2. Observation Un homme âgé de 45 ans, sans antécédents pathologiques notables, fut hospitalisé en mai 2007 pour des convulsions subintrantes partielles motrices de l’hémicorps gauche. L’interrogatoire retrouva la notion d’abcès dentaire deux mois auparavant traité par de l’amoxiclavulanate pendant deux semaines, suivi une semaine après par l’apparition d’une fièvre intermittente associée à des hémicrânies droites et un amaigrissement chiffré à 5 kg. À l’admission, le patient était fébrile à 38 8C, asthénique et désorienté dans le temps et dans l’espace. Il avait un score de Glasgow à 13, une dysarthrie, une hémiparésie gauche. À la biologie, les globules blancs étaient à 11 500 éléments/mm3 avec 78 % de polynucléaires, la vitesse de sédimentation était à 22 mm à la première heure et la CRP à 73 mg/L. La glycémie, la fonction rénale et le bilan hépatique [()TD$FIG] étaient normaux. La sérologie VIH, l’intradermoréaction à la tuberculine et la recherche de bacilles de Koch (BK) dans les crachats et les urines étaient négatives. Les hémocultures et les urines étaient stériles. La tomodensitométrie cérébrale objectivait des lésions nodulaires occipitales, hyperdenses, prenant le contraste de façon annulaire avec un œdème périlésionnel occasionnant un effet de masse, évocatrices de métastases cérébrales (Fig. 1). L’exploration chirurgicale des lésions ramena du pus verdâtre dont l’étude bactériologique (pyogènes et BK) et mycologique était négative. L’étude histologique de la pièce opératoire montrait un tissu cérébral siège d’une réaction œdémateuse suppurée riche en vaisseaux à endothélium turgescent, en polynucléaires altérés et parsemé de pyogranulomes et de grains d’actinomycose (Fig. 2). La radiographie du thorax, l’échographie abdominale et l’échographie cardiaque, pratiquées à la recherche d’autres localisations, étaient sans anomalies. L’examen stomatologique retrouvait de multiples granulomes et caries dentaires. Les prélèvements buccaux objectivaient une flore polymicrobienne faite de coccis et de bacilles. Le diagnostic d’actinomycose cérébrale à porte d’entrée probablement dentaire était alors retenu. Aux soins dentaires ont été associés une corticothérapie d’une semaine à visée anti-œdémateuse, un anti-convulsivant et une antibiothérapie intraveineuse pendant quatre semaines à base de pénicilline G (20 millions/j), de ciprofloxacine (800 mg/j) et de métronidazole (1,5 g/j) avec un relais orale par de l’amoxicilline (100 mg/kg par jour) et de la [()TD$FIG] Fig. 1 – TDM (coupe sagittale) : lésions nodulaires occipitales, hyperdenses, prenant le contraste de façon annulaire avec un œdème péri-lésionnel occasionnant un effet de masse. Computed tomography (sagittal slice): hyperdense nodular lesions in the occipital region with annular contrast uptake and peripheral edema causing a mass effect. Fig. 2 – Biopsie des lésions cérébrales (HEG T 200). Pyogranulome et grains d’actinomycose. Characteristic features of actinomyces visible in a purulent exudate (hematoxylin staining and eosin T 200). 262 revue neurologique 167 (2011) 260–263 ciprofloxacine (1,5 g/j). Après 12 mois de traitement antibiotique, le patient ne gardait qu’une discrète hémiparésie gauche en rapport avec des lésions séquellaires à l’IRM cérébrale. Le recul est de deux ans. 3. Discussion L’actinomycose est une infection granulomateuse subaiguë ou chronique invasive. L’actinomycète est un bacille gram positif, anaérobie strict, asporulé et ramifié. Il est saprophyte de la cavité buccale, du tractus digestif et génital féminin (Mabeza et Macfarlane, 2003). Plusieurs espèces ont été identifiées, seules six sont pathogènes chez l’homme. Actinomyces israelii est l’espèce la plus communément retrouvée (Mabeza et Macfarlane, 2003). Les facteurs de risque identifiés chez le sujet immunocompétent sont essentiellement l’éthylisme chronique et la précarité de l’état dentaire (Loureat et al., 2005). De faible pouvoir pathogène, le germe se greffe le plus souvent sur une lésion muqueuse préexistante (Loureat et al., 2005), vraisemblablement dentaire chez notre patient. La gravité de cette affection est dominée par le risque de la suppuration et de la fistulisation. Le siège de l’infection est essentiellement cervicofacial (50 à 60 % des cas), thoracique (20 à 25 % des cas), abdominal (15 à 20 % des cas) et pelvien (5 % des cas) (Vinard et al., 1992). La localisation neuroméningée est rare. Smego (1987) n’a colligé que 70 cas documentés dans la littérature entre 1937 et 1987. Différentes formes cliniques ont été rapportées : le plus souvent il s’agit d’abcès cérébral unique (75 % des cas), des cas de méningites et de méningoencéphalites ont également été rapportés (Smego et Foglia, 1998). Les abcès multiples, comme c’est le cas chez notre patient, sont rares (Smego, 1987 ; Smego et Foglia, 1998). L’atteinte cérébrale peut se faire par contiguı̈té à partir d‘un foyer locorégional (45–50 % des cas), par voie hématogène (20 à 25 % des cas). Elle peut survenir à la suite d’un traumatisme crânien ou dans les suites d’une intervention neurochirurgicale. Les infections dentaires ou cervicofaciales sont à l’origine des infections par contiguı̈té via les lymphatiques ou la gaine du trijumeau (Perna et al., 1981). Les manifestations cliniques ne sont pas spécifiques. Les signes neurologiques focaux sont plus fréquents que ceux de méningo-encéphalite (Navas, 1994 ; Liotier et al., 2004). La fièvre, l’hyperleucocytose et le syndrome inflammatoire biologique sont inconstants (Liotier et al., 2004 ; Loureat et al., 2005). Comme chez notre patient, l’aspect scannographique des lésions donne souvent le change avec des lésions néoplasiques (Colemegna et al., 2003). La mise en culture des prélèvements n’est positive que dans 50 % des cas (Smego et Foglia, 1998). Elle nécessite un milieu enrichi en CO2, une incubation à 37 8C en anaérobiose stricte pendant trois semaines (Loureat et al., 2005). Les infections évoluées sont caractérisées par la sécrétion de polysaccharides et la formation de grains filamenteux. Très souvent, le diagnostic est porté histologiquement grâce à l’identification de follicules actinomycosiques. Ces derniers ont un aspect de grains de souffre s’agrégeant en filaments à extrémités taillées en massue. D’autres pathologies à grains peuvent simuler l’actinomycose dont la tuberculose, les infections à pyogènes, le choléstéatome et les kystes dermoı̈des (Smego et Foglia, 1998). Plus récemment la PCR, une technique fondée sur le séquençage génomique de l’ADN ribosomal 16S a été d’un apport diagnostic certain et cela en permettant une identification rapide de l’espèce bactérienne même sur des échantillons fixés (Woo et al., 2002). Actinomyces est habituellement sensible à la pénicilline G, qui constitue d’ailleurs le traitement de référence. Elle doit être administrée à forte dose (10 à 20 millions/j) pendant deux à six semaines puis relayée par la pénicilline A ou V (Smego, 1987). D’autres antibiotiques actifs et à bonne diffusion cérébrale peuvent être utilisés en cas d’allergie à la pénicilline G ou d’échec thérapeutique. Il s’agit essentiellement des céphalosporines, de la clindamycine, des sulfamides, de la rifampicine et de la ciprofloxacine (Smego, 1987 ; Vinard et al., 1992). La bi-antibiothérapie n’est pas recommandée mais souvent utilisée (Navas, 1987 ; Vinard et al., 1992). Le caractère polymicrobien des abcès cérébraux impose le recours à une antibiothérapie à large spectre incluant les anaérobies (Loureat et al., 2005). La durée du traitement est de six à 12 mois (Smego, 1987). Le traitement radical de la porte d’entrée est primordial pour la guérison. Le traitement chirurgical est réservé à l’échec du traitement médical et à la survenue de complications (Smego et Foglia, 1998). Chez notre patient, la chirurgie a permis le drainage de l’abcès et de redresser le diagnostic posé en préopératoire. Le pronostic des formes cérébrales, bien qu’amélioré par l‘antibiothérapie, reste sévère avec une mortalité de l’ordre de 30 % et des séquelles estimées à plus de 50 % des cas (Smego et Foglia, 1998). 4. Conclusion L’actinomycose cérébrale est rare, de diagnostic difficile et donne souvent le change avec des lésions secondaires. Elle doit être évoquée devant toute lésion cérébrale, même pseudotumorale, chez un patient ayant une porte d’entrée dentaire. Son diagnostic est essentiellement histologique. L’antibiothérapie seule est généralement suffisante et la chirurgie est réalisée souvent dans un but diagnostic. Conflit d’intérêt Aucun. r é f é r e n c e s Colemegna I, Barradas MR, Rauch R, Clarridge J, Young E. 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