NEUROL-1573; No. of Pages 9 revue neurologique xxx (2015) xxx–xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Revue générale Une démence rapidement progressive : l’angiopathie amyloı̈de cérébrale subaiguë inflammatoire A subacute dementia: Inflammatory cerebral amyloid angiopathy S. Charef a,*, A. Leblanc a, B. Guibourg b, I. Quintin-Roue b, D. Ben Salem a, F. Zagnoli a a b CHRU Cavale-Blanche, boulevard Tanguy-Prigent, 29200 Brest, France CHRU Morvan, 2, avenue Floch, 29200 Brest, France info article r é s u m é Historique de l’article : Nous rapportons le cas d’une angiopathie amyloı̈de cérébrale inflammatoire (AAC), ayant Reçu le 24 mai 2015 présenté un déclin cognitif rapide, des crises d’épilepsie, des hallucinations visuelles, une Reçu sous la forme révisée le hyperprotéinorrachie et une leucopathie hémisphérique droite. La biopsie cérébrale a permis 30 juillet 2015 de poser le diagnostic d’AAC. Bien qu’aucun infiltrat inflammatoire n’ait été retrouvé sur le Accepté le 5 octobre 2015 prélèvement biopsié, la corticothérapie a permis une régression des lésions radiologiques mais sans amélioration clinique notable. L’angiopathie amyloı̈de cérébrale inflammatoire est une pathologie rare, définie par des lésions d’angiopathie amyloı̈de cérébrale classique et un infiltrat périvasculaire au contact des vaisseaux atteints. Dans les cas de démence rapidement Mots clés : progressive associée à une leucopathie, il faut savoir évoquer ce diagnostic : l’amélioration des Angiopathie amyloı̈de cérébrale troubles cognitifs étant possible après instauration de traitement immunosuppresseur. # 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Inflammation Démence Leucopathie Keywords: abstract We report a case of inflammatory cerebral amyloid angiopathy (CAA) that led to rapid cognitive Cerebral amyloid angiopathy decline, seizures, visual hallucinations, hyperproteinorrachia and right hemispheric leukopa- Inflammation thy. Brain biopsy gave the diagnosis of CAA. Although no inflammatory infiltrate was found in Dementia the biopsy sample, corticosteroids led to a regression of the radiological lesions without Leukopathy significant clinical improvement. CAA is a rare disease, defined by lesions of classical cerebral amyloid angiopathy and perivascular infiltrates in contact with the affected vessels. In cases of rapidly progressive dementia associated with leukopathy, inflammatory amyloid angiopathy should be considered as cognitive disorders may improve after immunosuppressive therapy. # 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. * Auteur correspondant. 12, rue Saint-Mathieu, 29000 Quimper, France. Adresse e-mail : sophia_charef@hotmail.fr (S. Charef). http://dx.doi.org/10.1016/j.neurol.2015.10.003 0035-3787/# 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Pour citer cet article : Charef S, et al. Une démence rapidement progressive : l’angiopathie amyloı̈de cérébrale subaiguë inflammatoire. Revue neurologique (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurol.2015.10.003 NEUROL-1573; No. of Pages 9 2 revue neurologique xxx (2015) xxx–xxx 1. Introduction L’angiopathie amyloı̈de cérébrale ou AAC, dont le principal facteur de risque est l’âge, est caractérisée initialement par des dépôts amyloı̈des Abêta dans le mur des artérioles néocorticales et leptoméningées, et parfois dans le parenchyme cérébral adjacent aux vaisseaux touchés [1]. Elle peut se présenter sous quatre formes dont la forme hémorragique dite AAC related hemorrhage ou AAC rh et la forme inflammatoire : AAC ri pour related inflammation [1]. Le diagnostic de certitude repose sur la biopsie cérébrale et leptoméningée [1]. L’intérêt de cette distinction est de pouvoir proposer un traitement dans les formes inflammatoires. Cette classification a toutefois ses limites et ses difficultés et nous rapportons ici un cas d’AAC rapidement évolutive, accompagnée d’hémorragies lobaires, de crises comitiales et d’un tableau démentiel régressif et pour lequel la biopsie cérébrale a mis en évidence des lésions d’AAC sans stigmates d’inflammation active malgré des prises de contraste leptoméningées à l’IRM. 2. Observation Une patiente de 84 ans est adressée par son médecin traitant pour des troubles cognitifs d’aggravation rapide. Dans ses antécédents principaux, on note une hypertension artérielle, une hypercholestérolémie et une hépatite B ancienne, traités par Ramipril1 2,5 mg, Pravastatine1 20 mg et de l’acétylsalicylate de Lysine1 75 mg. Depuis quelques mois, son mari rapporte des troubles du comportement, des chutes, une asthénie, une désorientation temporospatiale et une inversion du cycle nycthéméral d’apparition rapidement progressive. La patiente est droitière, est titulaire d’un baccalauréat et était une ancienne infirmière. Le bilan neuropsychologique (5 mots de Dubois, D080, 15 objets de Pillon, BEC 96, BREF) met en évidence une désorientation temporospatiale, un syndrome dysexcécutif cognitif et comportemental, des troubles de la programmation motrice et visuospatiaux, une agraphie, des troubles d’accès au lexique, une mémoire biographique touchée, ainsi que des oublis à mesure et une apraxie gestuelle. Le scanner cérébral retrouve un œdème d’allure vasogénique en doigt de gant hémisphérique droit, avec un effet de masse sur le ventricule latéral droit et une déviation de la ligne médiane. À l’IRM cérébrale (Fig. 1), il existe une plage d’hypersignal T2 Flair de la substance blanche hémisphérique droite, sans prise de contraste, avec effet de masse sur le ventricule latéral droit mais sans engagement. On retrouve également des stigmates d’hémorragie méningée pariétale droite et de la faux du cerveau, ainsi que des microbleeds sus- et sous-tentoriels. La séquence de diffusion ne retrouve pas de restriction de la diffusion, ce qui est en faveur d’un œdème vasogénique. Il existe, par ailleurs, une diminution de la vascularisation en zone lésée. La spectroscopie ne retrouve pas d’argument en faveur d’une atteinte gliomateuse ou lymphomateuse : les pics de choline, de créatine, de NAA sont normaux, sans pic pathologique de lipide, de lactate ou de myo-inositol. La ponction lombaire montre une hyperprotéinorrachie à 1,22 g/L, 2 GB/mm3 et 50 GR/mm3. L’examen direct et la culture sont stériles, la PCR Herpès est négative, l’ECA, les anticorps antineuronaux et la protéine 14-3-3 sont normaux. Les sérologies VIH, TPHA VDRL, Lyme, VHA, VHC, Rickettsiose, mycoplasma et Chlamydia pneumoniae et le Quantiferon GiT1 sont négatifs. Les sérologies CMV et VHB sont en faveur d’une infection ancienne. La recherche d’ANCA et ACAN est négative. Enfin, il n’existe pas de syndrome inflammatoire biologique. Le scanner thoraco-abdominopelvien et le PET-scan n’objectivent aucun élément en faveur d’un processus néoplasique. La biopsie des glandes salivaires accessoires est également normale. Un électromyogramme des quatre membres révèle une polyneuropathie sensitivomotrice démyélinisante modérée. Une semaine après le premier examen par résonance cérébrale, une nouvelle IRM cérébrale est réalisée devant l’aggravation clinique et montre (Fig. 2) une diffusion de la leucopathie à gauche, toujours sans prise de contraste parenchymateuse, avec une prise de contraste pie mérienne diffuse. Une biopsie cérébrale frontale droite et méningée est alors réalisée. Puis, dans l’hypothèse d’un lymphome cérébral, un traitement par corticothérapie i.v. à 240 mg/j est débuté, relayé par corticothérapie orale à raison de 1 mg/kg/j. La biopsie cérébrale et méningée montre un tissu méningé et une substance grise et blanche de morphologie normale, à l’exception de petits foyers hémorragiques et un discret œdème de la substance blanche non spécifiques. La PCR JC est négative sur le tissu cérébral et méningé. S’ensuit une phase initiale de dégradation, avec une confusion non fébrile, des myoclonies des membres supérieurs, des hallucinations visuelles, des crises comitiales, un syndrome pyramidal gauche, une aphasie et une hypertension artérielle. L’IRM encéphalique réalisée met alors en évidence l’apparition d’un hématome temporal gauche et une majoration des microbleeds. Le traitement anti-hypertenseur Ramipril1 est majoré à 7,5 mg, la corticothérapie orale est diminuée et un traitement antiépileptique par Keppra1 est débuté devant l’hypothèse de crises partielles aphasiques. On constate ensuite une amélioration clinique progressive et à l’IRM effectuée un mois plus tard une régression des lésions de leucoencéphalopathie et la disparition de la captation de contraste pie mérienne. Il s’y associe néanmoins une atrophie hippocampique (Fig. 3). Devant la majoration des microbleeds et l’apparition d’un hématome lobaire, le diagnostic d’angiopathie amyloı̈de cérébrale (AAC) possible est évoqué selon les critères radiologiques de Boston [2]. Un complément d’analyse sur la biopsie cérébrale est alors demandé qui retrouve des dépôts d’amylose colorés par le rouge Congo et la thioflavine dans la paroi des vaisseaux (Fig. 4), confirmant le diagnostic d’AAC, excluant une amylose cérébrale, ou une maladie d’Alzheimer. L’IRM cérébrale (Fig. 5) réalisée 3 mois plus tard objective une disparition de la prise de contraste leptoméningée, sans évolution de l’atteinte de la substance blanche, tandis que l’état clinique de la patiente s’est stabilisé. Pour citer cet article : Charef S, et al. Une démence rapidement progressive : l’angiopathie amyloı̈de cérébrale subaiguë inflammatoire. Revue neurologique (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurol.2015.10.003 NEUROL-1573; No. of Pages 9 revue neurologique xxx (2015) xxx–xxx Pour citer cet article : Charef S, et al. Une démence rapidement progressive : l’angiopathie amyloı̈de cérébrale subaiguë inflammatoire. Revue neurologique (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurol.2015.10.003 Fig. 1 – IRM encéphalique à l’entrée, en coupes axiales. Séquence T2-Flair : vaste plage d’hypersignal T2-Flair bi-hémisphérique, prédominante à droite (A). Séquences T1 après injection de gadolinium : absence de prise de contraste parenchymateuse et pie mérienne (B). Séquence T2 écho de gradient : microbleeds cérébraux pariéto-occipitaux et séquelle hémorragie méningée pariétale droite (C et D). Perfusion : hypoperfusion en zone atteinte pariétale droite (E et F). Diffusion : signal hétérogène sans restriction de la diffusion associée (G et H). 3 NEUROL-1573; No. of Pages 9 4 revue neurologique xxx (2015) xxx–xxx Fig. 2 – IRM encéphalique, en coupes axiales, après aggravation de l’état clinique. Séquence T2-Flair : extension de la plage d’hypersignal T2 Flair hémisphérique gauche (A). Séquence T1 après injection de gadolinium : prise de contraste pie mérienne diffuse (B). 3. Discussion La présentation habituelle de l’AAC sporadique inclut des AVC hémorragiques lobaires (AAC related hemorrhage) de localisaplus fréquemment occipitale, puis frontotion temporopariétale ; pouvant toucher le cervelet dans les stades avancés, épargnant les thalami, la substance blanche, le tronc cérébral et les ganglions de la base [1,3]. D’autres tableaux sont rencontrés au cours des AAC sporadiques comme des accidents vasculaires cérébraux ischémiques lacunaires, des microbleeds inférieurs à 5 mm en hyposignal en T2 ou une démence [1,3]. Cette dernière est progressive avec un ralentissement psychomoteur, une apathie, des troubles des fonctions exécutives et est corrélée à la sévérité des lésions de la substance blanche et à la présence d’infarctus stratégiques [1,3]. Des épisodes neurologiques focaux durant moins de 30 min peuvent être aussi rencontrés, habituellement de quelques minutes correspondant à des accidents ischémiques transitoires ou des crises d’épilepsie partielle sensitive à type de paresthésies, plus rarement motrice ou visuelle [1]. Le diagnostic d’AAC related hemorrhage se fait selon les critères de Boston. L’AAC est possible en présence d’une seule hémorragie lobaire cortico-sous-corticale chez un patient de Fig. 3 – Résultats anatomopathologiques de la biopsie cérébrale. Coloration par hémalun-erythrosine-safran : épaississement de la paroi des vaisseaux (A). Coloration par rouge Congo : coloration rouge des vaisseaux, en faveur de dépôts d’amylose (B). Pour citer cet article : Charef S, et al. Une démence rapidement progressive : l’angiopathie amyloı̈de cérébrale subaiguë inflammatoire. Revue neurologique (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurol.2015.10.003 NEUROL-1573; No. of Pages 9 revue neurologique xxx (2015) xxx–xxx 5 Fig. 4 – IRM encéphalique en coupes axiales, après épisodes d’aphasie transitoire. Séquence T1 et T2 écho de gradient : hypersignal temporal gauche T1 en faveur d’un saignement récent (B) entouré d’une couronne d’hémosidérine en hyposignal T2 écho de gradient (A). 55 ans ou plus, sans autre cause d’hémorragie. L’AAC est probable s’il existe des multiples hémorragies lobaires corticosous-corticales ou cérébelleuses [4]. Les facteurs de risque de l’AAC sporadique sont un âge avancé [1]. Les facteurs de risque cardiovasculaires ne sont pas des facteurs de risque de développer une AAC sporadique ; en revanche, l’hypertension artérielle augmente le risque de développer une ACC related hemorrhage [1]. Il existe des facteurs de risque génétiques que sont les allèles e2 et 4 [1]. L’apolipoprotéine E dite apoE est une protéine régulant le métabolisme lipidique, dont il existe 3 polymorphismes. Les allèles e2 et 4 sont des facteurs de risque, avec un effet dose dépendant, au développement d’une AAC sporadique ; et augmentant la sévérité clinique de l’AAC sporadique : âge plus jeune du premier hématome cérébral, plus grande propension à l’expansion des hématomes, moins bon pronostic clinique et haut risque de récurrence [1]. Fig. 5 – IRM encéphalique en coupes axiales, à l’issue de la corticothérapie. Séquence T2-Flair : stabilité de la plage d’hypersignal T2 Flair à droite (A). Séquence T1 après injection de gadolinium : disparition de la prise de contraste leptoméningée (B). Pour citer cet article : Charef S, et al. Une démence rapidement progressive : l’angiopathie amyloı̈de cérébrale subaiguë inflammatoire. Revue neurologique (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurol.2015.10.003 NEUROL-1573; No. of Pages 9 6 revue neurologique xxx (2015) xxx–xxx L’apoE4 favoriserait les dépôts Abêta et l’apoE2 agirait via des modifications structurelles dans la charge amyloı̈de des vaisseaux, favorisant la rupture [1]. Chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, la présence de l’apoE4 aurait une relation type effet dose dépendante sur la baisse du taux de Abêta 42 dans le LCR mais serait sans effet sur tau ; la présence d’apoE4 augmenterait la charge amyloı̈de et induirait, de ce fait, la baisse du peptide Abêta 42 capturé par la plaque amyloı̈de [5]. Les traitements anticoagulants et antiagrégants plaquettaires, les traumatismes crâniens mineurs sont des facteurs de risque de développer une AAC related hemorrhage [1]. Chez les patients atteints d’AAC, les éléments contractiles dans les artères leptoméningées et corticales sont remplacés par la protéine amyloı̈de non contractile à l’origine d’une fragilité vasculaire. Il existe, de ce fait, des risques d’hémorragie lors des procédures chirurgicales surtout s’il existe des hémorragies du lobe pariétal, si l’âge est avancé ou s’il existe une hémorragie intraventriculaire [6,7]. Il s’agit de dépôts Abêta 40 et non AB 42 comme dans la maladie d’Alzheimer [1]. Deux types pathologiques d’AAC ont été décrits selon l’allèle de l’apoE impliqué : type AAC 1 si présence d’apoE 4 avec dépôts d’AB dans les capillaires (et donc plus sévère car obstruction plus facile de la lumière de plus petit diamètre) et type AAC 2 si présence d’apoE2 avec dépôts restreints aux artères et artérioles corticales et leptoméningées [1]. À côté de ce tableau d’AAC related hemorrhage, il existe également une présentation clinique plus agressive liée à un mécanisme inflammatoire, caractérisée par un déclin cognitif rapide et aigu touchant le langage, les praxies, associé à des céphalées, des crises d’épilepsie, des hallucinations, un syndrome confusionnel et, à l’imagerie, par la présence de lésions diffuses de la substance blanche pouvant exercer un effet de masse [3]. Dans ce sous-groupe d’AAC sporadique, le sexe masculin paraı̂t plus fréquent, avec un âge de survenue plus précoce, en moyenne de 68 ans, que dans l’AAC classique. Un profil homozygote pour l’Apo E4 est retrouvé, comme celui retrouvé dans la maladie d’Alzheimer [8,9]. À l’imagerie, deux types d’atteinte pouvant correspondre à des lésions de démyélinisation, d’ischémie, d’infarctus ou d’œdème sont décrits [10]. Le premier tableau consiste en une leucopathie, périventriculaire, symétrique, touchant le corps calleux et la capsule interne, épargnant les fibres en U, proche des lésions observées dans la maladie de Binswanger. Il serait dû à l’ischémie chronique résultant de la sténose des vaisseaux par les dépôts amyloı̈des dans l’adventice. Le second tableau implique les fibres en U, avec un processus œdémateux exerçant un effet de masse, ne touchant pas le corps calleux et la capsule interne. Il est en lien avec un processus inflammatoire [8,9]. Ce pattern radiologique inflammatoire est décrit comme asymétrique, hypodense au scanner cérébral, en hyposignal T1, en hypersignal T2-Flair à l’IRM cérébrale, débordant sur le cortex, touchant de manière équivalente tous les lobes, sans restriction de la diffusion évoquant un œdème vasogénique [8,9]. La perfusion cérébrale est diminuée au niveau des lésions de la substance blanche et à un moindre Tableau 1 – Critères de diagnostic de l’AACi. AACi probable : tous les critères suivants Début aigu, ou subaigu des symptômes 40 ans ou plus Au moins une des caractéristiques cliniques suivantes : céphalée, changement de l’état mental, ou du comportement, signe neurologique focal, ou épilepsie IRM montrant des hypersignaux T2 confluents ou disparates Habituellement asymétriques Avec ou sans effet de masse Avec ou sans prise de contraste leptoméningée, ou parenchymateuse Preuve d’une AAC pré-existante sur les séquences de susceptibilité magnétique Multiples hémorragies ou microbleeds corticaux ou sous-corticaux et/ou Hématome lobaire récent ou ancien Pas de cause infectieuse ou néoplasique ou autre retrouvée AACi définie : tous les critères précédents et confirmation histologique avec Inflammation périvasculaire transmurale et/ou intramurale Dépôt d’amylose dans les vaisseaux, dans les régions affectées, dans le cortex et les leptoméninges D’après Chung et al., 2011 [14]. degré au niveau du cortex adjacent [11]. Une prise de contraste leptoméningée est souvent observée et serait en faveur d’un meilleur pronostic [12]. L’imagerie des vaisseaux peut retrouver des lésions de vascularite [12]. On retrouve, par ailleurs, les critères radiologiques de Boston de l’AAC [8,11,13,14]. L’examen anatomopathologique montre des lésions d’AAC classiques avec deux profils distincts. La première forme, non vasculaire, est un infiltrat périvasculaire au contact des vaisseaux porteurs de dépôts amyloı̈des. Cet infiltrat est constitué de cellules géantes : microglie, monocytes (CD8), rares mononuclées lymphocytes T (CD3), aucun lymphocyte B (CD20) et des lymphocytes T activés CD4 [8,9,15–17]. La seconde forme vasculaire est une angéite granulomateuse transmurale, sans nécrose caséeuse et correspond à une inflammation de la paroi des vaisseaux avec des lymphocytes intramuraux et présence occasionnelle de granulome [12,15,16,18]. Les deux formes peuvent coexister chez le même patient et ont de manière remarquable la même présentation clinique et radiologique [15,16]. La biopsie de la substance blanche peut cependant ne retrouver ni dépôts d’amylose, ni d’infiltrat inflammatoire, mais de la raréfaction et de la gliose. Cela n’exclue donc pas pour autant le diagnostic [18]. En effet, les biopsies qui retrouvent des signes d’inflammation active intéressent les vaisseaux leptoméningés ou sont « parenchymateuses » sans qu’il soit précisé si elles touchent le cortex ou la substance blanche [12,19]. Cependant, Sakai et al. précisent que les stigmates d’inflammation active sur la biopsie dépendraient du stade de la pathologie (plus elle serait avancée, moins il y aurait d’inflammation) et du taux d’Ac anti-Abêta [20]. À l’appui de ces données, Chung et al. ont proposé, en 2011, des critères clinicoradiologiques pour l’AACi probables, associés à des critères anatomopathologiques pour la forme Pour citer cet article : Charef S, et al. Une démence rapidement progressive : l’angiopathie amyloı̈de cérébrale subaiguë inflammatoire. Revue neurologique (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurol.2015.10.003 NEUROL-1573; No. of Pages 9 revue neurologique xxx (2015) xxx–xxx définie de l’AACi (Tableau 1) [20]. Selon ces critères, notre patiente présente une forme probable d’AACi, avec un début subaigu, un âge supérieur à 40 ans, des troubles du comportement, une épilepsie partielle et à l’IRM encéphalique, un hypersignal œdémateux T2 Flair, avec prise de contraste leptoméningée et plages hémorragiques, touchant les fibres en U et épargnant corps calleux et capsule interne, accompagnés d’une chute de l’ADC (Fig. 1–3). Ainsi, chez notre patiente, l’absence d’infiltrat inflammatoire, vasculaire ou périvasculaire sur le fragment biopsié n’est pas en défaveur de ce diagnostic, car le prélèvement a été fait dans la substance blanche, pathologique à l’IRM pour limiter les séquelles fonctionnelles. Quant au diagnostic d’amylose, il requiert des colorations spécifiques (rouge Congo) qui ne sont pas réalisées systématiquement surtout si, comme c’est le cas pour notre patiente, la biopsie est pratiquée à la recherche d’un processus tumoral. Dans le LCR, on retrouve habituellement, comme chez notre patiente, une hyperprotéinorrachie modérée (> 0,7 g/L), avec parfois une méningite lymphocytaire > 10 cellules/mm3. Aucun profil oligoclonal n’est observé [12]. Il existe également une élévation du taux d’anticorps anti Abêta 42 dans le LCR par rapport à l’AAC sporadique. Ce taux d’anticorps retourne à la normale pendant la phase de rémission radioclinique, que celle-ci soit spontanée ou se fasse sous traitement [21–24]. Par contre, les variations des taux des protéines amyloı̈des Abêta 40 et 42, Tau et Tau phosphorylée sont moins spécifiques : augmentés en phase aiguë pour certains, identiques, voire inférieurs à d’autres circonstances pathologiques (Alzheimer) pour d’autres [21,23,24]. Chez notre patiente, la recherche d’anticorps antiamyloı̈des, des peptides amyloı̈des et tau n’a pas été réalisée lors de la ponction lombaire initiale et cet examen n’a pas été renouvelé. Il est décrit une forte corrélation entre le taux d’anticorps anti-A Bêta 42 et le peptide amyloı̈de quelle que soit sa forme, ce qui suggère un mécanisme auto-immun : les anticorps enlèveraient les dépôts amyloı̈des des plaques et des vaisseaux. Il est aussi décrit une élévation de l’IL8 et des lymphocytes CD4+ activés [17,23]. L’élévation des anticorps anti-Abêta 42 à la phase aiguë est plus en faveur d’une synthèse intrathécale que d’une rupture de barrière hématoencéphalique [23]. Ce taux d’anticorps augmente progressivement pendant la décroissance de la corticothérapie orale [23]. Surveiller ce taux d’anticorps dans le LCR pourrait améliorer l’efficacité du traitement et le contrôle de l’évolution de la maladie [23]. La plupart des traitements utilisés sont des corticoı̈des en bolus i.v. relayés par des petites doses de corticoı̈des par voie orale [15,25]. Contrairement aux autres pathologies médiées par la protéine amyloı̈de, l’AAC inflammatoire pourrait parfois répondre au traitement immunosuppresseur [26]. La forme vasculaire répondrait moins bien au traitement probablement à cause des lésions ischémiques non réversibles qui sont plus élevées dans cette forme (plus grand nombre de déficits focaux relatés dans ce sous-groupe) [15,27]. Les anti-inflammatoires comme l’ibuprofène et l’indométacine sont sans effet in vitro [28]. Les corticoı̈des diminueraient les effets tardifs inflammatoire et cytotoxique du peptide amyloı̈de sur les cellules musculaires des vaisseaux cérébraux mais n’auraient aucune action sur les dépôts initiaux en surface du peptide amyloı̈de 7 dans les vaisseaux cérébraux, ni sur l’assemblage fibrillaire. La réponse aux traitements est cependant aléatoire. Trois profils sont décrits, l’un avec une amélioration radioclinique monophasique, un autre avec une amélioration, puis une rechute radioclinique et le troisième sans aucune réponse [9,29]. Chez notre patiente, la corticothérapie d’abord intraveineuse, puis relayée oralement a permis une régression des lésions radiologiques et une stabilisation de l’état clinique, qui se sont maintenues durablement à l’arrêt du traitement. Il est cependant difficile d’attribuer de manière certaine cette évolution favorable à la thérapeutique immunosuppressive reçue. Elle pourrait être en effet seulement le reflet de la poussée inflammatoire de la maladie qui s’estompe. Enfin, comme l’illustre ce cas, le traitement immunosuppresseur ne permet pas d’empêcher les autres manifestations de l’angiopathie cérébrale, comme la survenue d’un hématome ou la majoration des microbleeds. Ce profil d’AAC inflammatoire est différent de celui présenté par les patients ayant une angéite primaire du système nerveux central. Le postulat qu’il s’agisse d’une entité à part entière et non d’un coexistence d’une AAC sporadique et d’une angéite du SNC primitive repose sur le fait que les lésions inflammatoires sont quasiment toujours situées à proximité des vaisseaux porteurs des dépôts d’amylose et sur le fait que les cellules géantes épithéloı̈des et les macrophages phagocytent les dépôts en question [18]. La question à éclaircir est de savoir si la vascularite induit les dépôts par une augmentation de la perméabilité ou si les dépôts induisent la vascularite [18]. L’âge plus tardif que celui observé dans les angéites primitives du SNC et plus précoce que dans l’AAC classique plaide en faveur d’une réaction immunitaire dirigée contre la protéine amyloı̈de [18]. Cette idée est confortée par deux éléments. Tout d’abord, la survenue de méningo-encéphalites a été décrite dans un essai de phase II après une vaccination contre la protéine amyloı̈de [30]. On y retrouvait des lésions sévères d’AAC avec des infiltrats inflammatoires dans les leptoméninges et autour des vaisseaux méningés et corticaux porteurs de la substance amyloı̈de. L’hypothèse d’une clairance du parenchyme cérébral médiée par une réaction immunitaire pourrait être le mécanisme physiopathologique, car ces infiltrats prédominent dans les régions exemptes de plaques amyloı̈des. Par ailleurs, chez des patients atteints de la maladie d’Alzheimer et traités par des anticorps monoclonaux antiamyloı̈de, le bapineuzumab, ont été décrits un œdème vasogénique, une effusion dans les sillons corticaux et des dépôts d’hémosidérine (microhémorragies et sidérose superficielle en T2*) [31,32]. Cela avait déjà été observé chez des patients traités par des inhibiteurs de la gamma sécrétase, du gantenerumab [33,34]. Ces lésions radiologiques relatives à la protéine amyloı̈de sont appelées amyloid-related imaging abnormalities ou ARIA et seraient dues au transfert des dépôts ABêta du parenchyme cérébral vers les vaisseaux, ce qui modifie la perméabilité vasculaire. Il existe deux types d’ARIA : type E, avec un œdème vasogénique et effusion sulcale, qui résulte d’une augmentation de la perméabilité vasculaire aux protéines ; et de type H avec présence de microbleeds et de petites hémorragies, Pour citer cet article : Charef S, et al. Une démence rapidement progressive : l’angiopathie amyloı̈de cérébrale subaiguë inflammatoire. Revue neurologique (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurol.2015.10.003 NEUROL-1573; No. of Pages 9 8 revue neurologique xxx (2015) xxx–xxx résultant d’une augmentation de la perméabilité vasculaire aux dépôts d’hémosidérines [31]. L’ARIA partage donc le même pattern radiologique que l’AAC inflammatoire. Dix-sept pourcent des sujets ayant reçu le bapineuzumab étaient porteurs de l’Apo E4 et avaient une charge vasculaire amyloı̈de importante [35]. L’AAC inflammatoire serait donc un modèle humain spontané des mécanismes physiopathologiques qui apparaissent chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, traités avec le bapineuzumab et développant secondairement une ARIA [32,35]. 4. Conclusion La connaissance de l’AAC inflammatoire est importante du fait sa réponse possible aux immunosuppresseurs [36,37]. Des critères radiologiques définis ainsi que le dosage de l’Apo E4 permettraient de s’affranchir de la biopsie, qui est à risque de complication hémorragique chez ces patients et peut ne pas retrouver des stigmates d’inflammation active selon le stade d’évolution de la maladie [20,38]. Plusieurs cas non biopsiés ont ainsi connu une amélioration radioclinique après traitement [13,39]. Le dosage régulier, dans le suivi des anticorps antiamyloı̈des, permettrait de contrôler l’efficacité du traitement par corticothérapie et l’évolution de la maladie. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. r é f é r e n c e s [1] Charidimou A, Gang Q. Sporadic cerebral amyloid angiopathy revisited: recent insights into pathophysiology and clinical spectrum. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2012;83(2):124–37. [2] Smith EE, Greenberg SM. Clinical diagnosis of cerebral amyloid angiopathy: validation of the Boston criteria. Curr Atheroscler Rep 2003;5(4):260–6. 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